Faut-il réinstaurer le service militaire? L'idée fait débat dans un contexte mondial tendu

Faut-il remettre le service militaire à l’ordre du jour? L'ancien Premier ministre Édouard Philippe a rouvert le débat ce dimanche en évoquant cette hypothèse en réponse à, selon ses mots, la "dangerosité" du monde dans lequel nous vivons.
"Est-ce qu'un jour, pour préserver les intérêts de la France, sa sécurité, il ne faudra pas former - et former militairement, sinon ça n'a aucun sens - une partie de la jeunesse, voire toute la jeunesse, c'est une question qui sera peut-être posée. Comme nous vivons dans un monde dangereux, j'ai tendance à penser qu'elle sera posée bientôt", a avancé le maire du Havre dimanche sur Radio J. Il estime même que ce débat sera "peut-être" au menu de la campagne présidentielle 2027, pour laquelle il est pressenti en tant que candidat potentiel.
Emmanuel Macron avait promis en 2017 l'instauration d'un service national universel (SNU), qui a finalement été lancé en 2019. Ce dernier comporte un "séjour de cohésion" sociale et une "mission d'intérêt général" de 12 jours sur la base du volontariat, avec des résultats "mitigés" selon un rapport parlementaire. Édouard Philippe veut visiblement aller plus loin.
La fin du service militaire obligatoire avait été annoncée en 1997 par Jacques Chirac, et Edouard Philippe estime que l'ancien président de la République avait raison: "A ce moment-là", nuance-t-il, assurant qu'il lui-même "adoré" son passage au service militaire en 1994. Mais l'ancien Premier ministre estime surtout qu'il lance cette idée pas seulement à des fins d'éducation ou pour un motif social, mais également pour des raisons de défense.
"Il faudrait que ce soit suffisamment long"
Vincent Desportes, professeur de stratégie à Sciences Po et HEC, ancien directeur de l'Ecole de Guerre, estime ce lundi sur RMC que s'adapter à cette tension du contexte international n'est pas forcément une mauvaise chose.
"Les formes des armées évoluent en fonction des menaces. Aujourd'hui, on voit bien que la menace s'est rapprochée", assure-t-il, évoquant les chiffres de l'ONU qui a estimé en début d'année 2023 qu'il n'y a jamais eu autant de conflits armés dans le monde depuis la Seconde guerre mondiale.
Il estime que pour l'idée d'Edouard Philippe soit réalisable, la durée du service sera cruciale: "Il faut que la formation militaire soit suffisamment longue. Une des raisons pour lesquelles ça a été arrêté en 1996, c'est qu'il était devenu si court (10 mois) qu'on ne pouvait plus le réduire alors qu'il était profondément inégalitaire", qui estime qu'en-dessous de 12 ou 14 mois, la formation n'est pas assez complète.
Soulager l’armée d’active serait également un des principaux atouts du service militaire selon Jean-Michel Esardat, ancien sous-officier de la légion. "L'armée est surconsommée. Quand vous faites deux mois de Vigipirate, vous ne pouvez plus vous entraîner et les militaires perdent leurs capacités opérationnelles", illustre-t-il.
Les jeunes seront-ils convaincus?
Mais encore faut-il convaincre les premiers concernés. Et ce ne serait pas une partie facile à remporter selon Axel, ancien formateur de l'armée aujourd'hui chauffeur routier.
"Je ne dirais pas que c'est une mauvaise idée, mais plus que ça ne servirait pas à grand-chose. Pour en avoir formé pendant 10 ans, les jeunes d'aujourd'hui, pour moi, c'est peine perdue. Un an déjà, ce n'est pas assez pour envoyer un militaire au combat", juge-t-il sur RMC.
En effet, chez les jeunes que nous avons interrogés dimanche dans le Gard, la motivation n'était pas forcément au rendez-vous. Étudiant en électronique, Tom n'y est pas favorable et estime qu'une telle mesure le priverait d’une certaine liberté: "J'ai eu la chance de savoir assez jeune ce que je voulais faire comme études supérieures donc un service militaire aurait interrompu mon parcours".
Pas doute en revanche pour Lewis, 20 ans, qui s’inquiète de l’actualité de ces trois dernières années et estime que le service militaire lui donnerait "au moins les bases" si jamais la guerre venait à s'importer en France un jour. Un service militaire ouvert aussi aux femmes ne ferait pas peur non plus à Emma, plutôt emballée par l’idée. "Je le ferais avec plaisir. Mieux se comprendre et mieux vivre ensemble, ça ne peut qu'être bénéfique", juge-t-elle.