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“Il mérite une place très haut”: Mourad Boudjellal, ex-éditeur de Charb, plaide pour sa panthéonisation

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Charb au Panthéon? Le débat est relancé. Entre mémoire, humilité et combat républicain, la question dépasse le simple hommage pour devenir un enjeu national.

Dix ans après l’attentat qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo, la demande de panthéonisation de Charb revient sur le devant de la scène. Soutenue par la rédaction actuelle du journal et la famille du dessinateur, l’initiative suscite un vif débat, y compris dans les médias. Sur RMC, dans Les Grandes Gueules, plusieurs voix se sont exprimées pour défendre l'idée d’honorer l’une des figures emblématiques de la liberté d’expression en France.

Charlie Hebdo relance l’appel: "Charb, un journaliste victime du terrorisme"

Dans un éditorial mercredi, Riss, dessinateur et directeur de Charlie Hebdo, plaide pour l’entrée de Charb au Panthéon. Celui qui a succédé à son ami, tué lors de l’attentat du 7 janvier 2015, estime que Charb "coche toutes les cases" et incarne des "valeurs exactement celles de notre démocratie".

Pour lui, il ne s’agit pas d’un "honneur" personnel, mais de "valeurs" à défendre collectivement. "L’idée d’une panthéonisation n’est pas si conne que ça", tranche-t-il, en insistant sur la portée symbolique d’un tel geste: "graver dans le marbre de notre République l’attachement viscéral du peuple français à la liberté d’expression".

Une demande portée par la famille

Dans une lettre adressée au président de la République, publiée dans le même numéro de Charlie Hebdo, les parents et le frère de Charb plaident également pour cette reconnaissance. Ils y évoquent "un acte fort et fédérateur", à même d’"ancrer définitivement cet événement dans l’histoire du pays".

Ils rappellent les valeurs pour lesquelles Charb s’est battu: la liberté d’expression, bien sûr, mais aussi "l’antiracisme", "la justice sociale" et "la laïcité", des principes profondément républicains qui, selon eux, "rassemblent la très grande majorité des Français de toutes opinions et de toutes confessions".

"On s'en fout, on s'en fout pas" : Charb au Panthéon, pour ou contre ? - 09/10
"On s'en fout, on s'en fout pas" : Charb au Panthéon, pour ou contre ? - 09/10
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Le débat s'invite dans les Grandes Gueules sur RMC

Ce projet de panthéonisation a été au cœur d’un échange dans l’émission Les Grandes Gueules sur RMC. Flora Ghebali, chroniqueuse, a exprimé son soutien enthousiaste:

"Je pense que ça ferait énormément de bien d’honorer Charlie, plus de dix ans après l’attentat. Je suis toujours Charlie, et on a besoin de fédérer le camp de la liberté d’expression, qui, j’espère, est encore majoritaire dans le pays."

Mourad Boudjellal, éditeur et ancien président du RC Toulon, a quant à lui partagé un témoignage personnel poignant. Premier éditeur de Charb en 1995, il se souvient d’un homme "charmant", qu’il avait surnommé "le nouveau Reiser".

"Je pense que ça serait une belle façon de célébrer une liberté d’esprit, un athéisme", explique-t-il. Mais il nuance: "Ce qui me dérange un peu, c’est que Charb était d’une humilité incroyable. Il aurait pensé qu’il ne le méritait pas."

Et de conclure: "Je ne sais pas s’il mérite le Panthéon, mais bien évidemment qu’il mérite une place très haut." De son côté, l’avocat et chroniqueur Charles Consigny a été catégorique :

"Ça me paraît évident qu’il mérite le Panthéon."

Un symbole générationnel et historique

Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, est mort à 47 ans sous les balles de djihadistes qui visaient Charlie Hebdo pour ses caricatures, notamment de Mahomet. À ses côtés, huit membres de la rédaction périssaient, parmi lesquels Cabu, Wolinski, Tignous et Bernard Maris.

La date de cette relance n’est pas anodine : elle coïncide avec les vingt ans de la publication des caricatures de Mahomet par le journal danois Jyllands-Posten, reprises en 2006 par Charlie Hebdo, et régulièrement utilisées par les islamistes pour justifier leurs attaques. Dans son éditorial, Riss écrit :

"Cette publication ainsi que l'attentat du 7 janvier 2015 furent des événements considérables. Aujourd'hui, ils sont devenus des faits historiques."

C’est aussi pour cela que Charlie Hebdo republie ces caricatures dans son édition de mercredi, qu’il qualifie d’"anniversaire d'une manipulation internationale".

Une décision entre les mains de l’Élysée

Pour l’heure, la panthéonisation reste une demande symbolique. Elle nécessite une décision présidentielle. Mais pour la rédaction de Charlie, sa famille, et de nombreux défenseurs de la liberté d’expression, l’entrée de Charb au Panthéon serait un message fort adressé à toute la société française. Un message pour dire que, dix ans après, Charlie Hebdo est toujours debout et que la République n’oublie pas ceux qui sont morts pour avoir tenu un crayon.

C.A