"Ils mettent la pression pour nous écraser": le groupe d’Ehpad Philogeris ne paie plus les loyers

Il y a 15 ans, Bertrand achète une chambre dans une résidence sénior (Les Jardins de Mathis) en Charente-Maritime, exploitée par Orpea. Un investissement de 56.000€, censé lui assurer un loyer de 305€ tous les mois. Tout se déroule comme prévu… jusqu’en 2018.
L’entreprise Philogeris rachète l’établissement, le bail commercial change et le groupe en profite pour tenter un coup de poker: baisser les loyers de 53%. Les 46 copropriétaires comme Bertrand refusent. C’est aujourd’hui au juge des loyers commerciaux de se prononcer. Mais Philogeris n’attend pas et décide de ne plus du tout verser les loyers depuis janvier: cela fait 9 mois.
“Ce sont des petits épargnants, des petits retraités, qui ont besoin de ces loyers pour pouvoir soit payer leur retraite, soit payer une chambre en maison de retraite”, explique Bertrand au micro de RMC.
“Donc tout le monde se retrouve dans une situation très délicate. Nous priver de nos loyers, c’est illégal. Ils nous mettent cette pression financière pour pouvoir nous écraser”.
Les propriétaires ont attaqué Philogeris en justice pour obtenir le paiement de leurs loyers. La décision est prévue pour novembre. Leur avocate n’a aucun doute sur l’issue favorable de ce dossier, mais en attendant, leur situation financière se dégrade.
Philogeris, un groupe d’Ehpad bien implanté en France
Le groupe, implanté depuis plus de 30 ans, gère aujourd’hui 15 établissements. Alors, “RMC s’engage avec vous” a demandé des explications à la direction. Et c’est le PDG en personne, Yann Reboulleau, qui nous a répondu. Il ne dément pas les loyers impayés depuis 9 mois, mais se retranche derrière la confidentialité des procédures. Il donne rendez-vous en novembre: “en fonction des décisions de justice, j’aurais à répondre sur ce que vous appelez l’illégalité de ma position”.
Un type de litige répandu dans le secteur de la gestion d’Ehpad
Pour rappel, il est interdit par la loi de cesser de payer son loyer. Que l'on soit un particulier ou un groupe comme Philogeris. Mais ça ne résout pas le problème de fond. Les gestionnaires d'Ehpad profitent généralement d’un changement ou d’un renouvellement de bail pour imposer des baisses de loyers. Et les propriétaires sont souvent coincés. Ils ne peuvent pas se défaire d’un gestionnaire sans être sûr d’en trouver un autre. Et ce n’est pas chose aisée.
"Ils sont piégés dès l’investissement. Là, ils peuvent se battre devant le juge , mais ils sont piégés parce qu’ils n’ont pas connaissance de cet aléa lorsqu’ils investissent. On ne leur dit pas qu’il y a un risque de baisse de loyer. Et la loi est clairement insuffisante ou absente en la matière", précise Me François Morabito, avocat du collectif de défense des investisseurs en Ehpad.
Le collectif interpelle le législateur depuis quatre ans et réclame une nouvelle loi, pour protéger les petits propriétaires face aux grands groupes. Nous avons porté ce message auprès des ministères concernés et nous continuerons de le faire.