Inégalité de salaire homme-femme: "Tout le monde est d’accord pour ne rien dire sur le sujet"

- - AFP
Sonia, 28 ans, organise un rassemblement à Caen:
"L’idée c’est de se retrouver, pas simplement avec des femmes, avec des hommes aussi, qui trouvent que la rémunération inégale est quelque chose d’encore injuste en France. C’est difficile de mobiliser: même si elles se sentent concernées par le problème, ou même touchées, les personnes sont soumises à des obligations. On ne quitte pas son employeur à 16h34, on ne claque pas la porte de son bureau parce qu’il y a une manif ou un droit à défendre. Quand bien même l’éthique ou la morale le voudrait. La réalité est un peu différente.
La France est régulée par des grilles de salaire, en fonction de votre diplôme, de votre expérience et de la fonction que vous exercez. Moi il m’est arrivé de ne pas avoir le salaire lié à mon diplôme. On me mettait à un échelon en-dessous, sans raison. Dans une de mes dernières fonction, dans une entreprise de conseils, j’avais le même niveau d’étude - cinq ans - la même expérience - cinq aussi - le même poste, et mon homologue masculin était payé 36 000 euros par an alors qu’une femme est à 31 000 euros.
"Une vraie révolte sociale de savoir que son collègue est rémunéré 14% de plus que vous"
Demandez des explications à son entreprise? Ce ne sont pas des choses que vous demandez, en général. C’est quelque chose dont on ne parle pas en France, c’est assez tabou. Probablement parce qu’il y a une inégalité, et que ça provoquerait une vraie révolte sociale de savoir que son collègue avec qui on s’entend très bien est rémunéré 14% de plus que vous. C’est une espèce de silence organisé, tout le monde est d’accord pour ne rien dire sur le sujet.
Les gens ne s’autorisent pas à faire la remarque. Mais il faut prendre le système global de notre économie. Il y a plus de demande que d’offre en terme d’emplois. A partir du moment où on en a un, et qu’on en est content, et bien sans jouer la carte du patron méchant, il y a beaucoup d’employeurs qui savent qu’il y a ce besoin. Alors à partir du moment où on a un salaire qui nous convient, qui permet d’assumer les charges, on ne dit rien. Mais un homme ne dépense pas plus qu’une femme: un loyer est un loyer, une facture est une facture. Les salaires devraient être équivalents.
"On trouve facilement le moyen d’être absent parce qu’on a un mal de tête. Donc pour ça..."
Je vais au rassemblement avec ma mère. Elle va quitter le travail à 16H34. Mes parents sont entrepreneurs, et mon père soutenant la cause, il va rester seul durant les trois heures restantes au magasin, pour permettre à ma mère de se déplacer. Pour elle, ce n’est pas tant une question d’inégalité qu’une question sur l’avenir de sa fille et de toute la génération des trentenaires.
Je ne sais pas comment va se passer le rassemblement. Mais en France, on trouve facilement le moyen d’être absent parce qu’on a un mal de tête. Donc pour une question qui concerne une majorité... Je n’ai pas encore d’enfant, mais si j’ai une fille un jour, je souhaite qu’elle n’évolue pas dans une société où elle ne se sentira pas infériorisée en terme matériel.