Je suis roux, mais je ne mets pas les blagues que j'ai subies sur le même plan que les insultes racistes

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Yann, 26 ans, chef d'entreprise.
"Souffrir d’être roux, c’est un grand mot. A 26 ans, tu as pris de la maturité, et ça finit par te passer au-dessus de la tête. Par contre, les années collège, lycée et même à l’université, être roux provoque encore beaucoup de taquineries. En clair, jusqu’à 18 ans, être roux, c’est un peu dur. Au-delà, on finit par en rigoler, on s’en lasse un peu, mais surtout on sent qu’il y a moins d’animosité contre nous. Ce matin encore, j’étais chez des amis qui m’ont surnommé Ron, comme le personnage roux de Harry Potter. On en a rigolé, même si tu as encore en tête ce que tu a pris dans la gueule quand tu avais 12 ans.
Il y a des degrés en termes de couleur de cheveux. Il y en a qui sont très roux, d’autres pour qui c’est un peu atténué. On dit tous qu’on est blond vénitien, on se cache derrière ça. Mais quand tu es jeune, c’est un peu dur. Tu entends des 'poils de carotte', 'le roux de secours', ce genre de chose. Ce sont des vannes qui à terme finissent par t’user, tu es un peu isolé. Être roux et subir les moqueries, ça te pèse, tu peux en pleurer un peu. Mais personnellement, ça ne m’a jamais atteint au point que je me dise que c’était du harcèlement.
"Je me suis déjà retrouvé avec la gueule blanche à cause de la crème solaire"
Malgré tout il y a des situations qu’on ne peut pas soupçonner quand on n’est pas roux. Par exemple, les parents sont châtains, tu entends vite "t’es le fils du facteur". Donc quand tu es jeune tu te poses la question "c’est vrai ça, mes parents sont châtains et moi je suis roux". Autre chose… Maintenant j’en rigole, mais quand j’étais jeune, à cause de ma mère qui était ultra-protectrice, je me suis déjà retrouvé avec la gueule blanche à cause de la crème solaire. Le tout en se baignant avec un t-shirt à la piscine. Et puis à 18 ans, tu envoies tout balader et tu arrêtes tout ça.
Je ne connais pas de roux qui considère avoir subi des discriminations. Mais le problème, c’est qu’avant d’en arriver là c’est déjà un complexe sur soi-même. On peut vite se sentir rejeté, mais moi ça ne m’a jamais empêché de vivre une vie normale. Je ne suis pas dans la peau d’un black qui subirait des "sale noir". Je ne mets pas les blagues sur les roux sur le même plan que les insultes racistes. Oui, il y a des roux qui demandent à être protégés, certains qui sont prêts à faire la révolution, mais pas moi.
C’est de la taquinerie facile, un peu usante. Oui, sur Facebook, quand il y a une blague sur les roux, je suis le premier à être tagué. Oui, on voit un peu plus de roux, chez les acteurs ou les actrices. Mais je ne pense quand même pas que ça devient à la mode d’être roux. Les gamins d’aujourd’hui prennent dans la face la même chose que moi à l’époque."