Jean-Louis, ancien bénéficiaire des Restos du cœur: "C'est plus que du dépannage, c'est de la survie"

- - BERTRAND GUAY / AFP
"J'ai eu une tuberculose il y a deux ans et j'ai de graves séquelles. J'ai notamment eu une ablation d'un lobe pulmonaire et j'ai encore un cavernome dans le poumon qui n'est pas refermé. Du coup, je bénéficie d'une allocation adulte handicapé qui est d'un peu plus de 800 euros par mois. Ajouté à cela, je perçois les APL d'un montant de 200 euros. Au total, mon revenu mensuel est de 1.064 euros plus quelques toiles vendues à l'occasion mais c'est très rare.
"Moralement c'était très difficile"
L'an dernier, en revanche, j'étais au RSA et je ne gagnais donc qu'un peu plus de 550 euros par mois, auxquels il fallait ajouter les 200 euros d'APL. Mais sur ces 700 revenus mensuels, il faut tout payer: un loyer de 485 euros, l'électricité, le gaz, la nourriture… Il était donc très, très compliqué de joindre les deux bouts. Les personnes autour de moi, les assistantes sociales, les aides à domicile m'ont donc aidé et m'ont dit de me rendre aux Restos du cœur. A ce moment-là, je pouvais à peine marcher. J'ai fini à 49 kilos pour 1m77. Quand je me suis regardé dans la glace à l'hôpital, j'avais l'impression de sortir d'un camp de concentration.
Les assistantes sociales m'amenaient donc aux Restos du cœur pour pouvoir survivre. Moralement c'était très difficile mais je savais que je ne pouvais pas faire autrement. Si certains n'acceptent pas de se rendre sur place, moi je savais que j'étais au bout. Parce que quand il ne vous reste que 100 euros en début de mois et que vous devez manger, vous êtes bien content, une fois par semaine, de trouver les Restos.
"C'est dur de demander de l'aide aux autres"
Et moi j'ai de la chance, j'ai un toit. Ça, c'est très important. J'y tiens énormément et mon propriétaire est compréhensif puisqu'il n'a pas augmenté le loyer depuis des années. J'ai aussi un frigo, du confort par rapport à des gens qui sont dans la rue. Ça me permettait de stocker un peu de nourriture, de bénéficier de produits congelés, frais que je pouvais conserver. C'est plus que du dépannage, c'est de la survie.
Mais ce n'était pas évident pour deux choses. D'abord, physiquement, parce qu'à l'époque je n'arrivais pas à tenir debout longtemps. Il faut dire que j'avais fait quand même dix mois d'hôpital quelques semaines encore avant. Mais la plus grande difficulté est morale: c'est dur de demander de l'aide aux autres même si j'ai été très bien accueilli. Et quand vous êtes au fond du trou, ça fait du bien.
"J'assume et j'assure"
C'est pour ça que j'ai tenu à leur donner quelque chose. Après mon divorce, j'avais gardé 20-25 peluches de mes enfants. Elles demeuraient chez moi et j'ai décidé de leur donner. Je les ai toute lavées, nettoyées, brossées et quand elles étaient bien propres et bien sèches je les ai données aux Restos du cœur. En moins d'une semaine, elles étaient toutes parties pour les enfants bénéficiaires. Ça m'a fait plaisir parce que je me suis dit que je pouvais au moins donner quelque chose en échange du bonheur que ces gens-là m'ont fait.
Cette année, je ne vais pas y aller parce que j'estime qu'avec l'allocation handicapé je gagne suffisamment. Ça me permet de subvenir à mes besoins. J'assume et j'assure. Je suis donc artiste-peintre, je fais beaucoup d'aquarelles mais ça ne marche pas. J'essaye de créer un peu mais, bon, quand vous êtes malade, vous savez, c'est un peu compliqué… Je dois gagner 200 euros par an grâce à mes toiles., et encore".