Jungle de Calais: On va arriver à un moment où tout va lâcher…

La "Jungle" de Calais vue du ciel - DENIS CHARLET / AFP
La "Jungle" de Calais n’en finit plus de grossir. Le nombre de migrants qui y vivent a doublé en trois semaines. Ils sont désormais 6.000 à y vivre, contre 3.500 au début de l’été, 2.500 fin août et "seulement" 1.000 il y a un an a indiqué ce dimanche, Fabienne Buccio, préfète du Pas-de-Calais. Jamais cette "Jungle" n'avait accueilli autant de migrants. C'est quatre fois plus que le nombre de migrants au moment de la fermeture de Sangatte. Et si l'on parle en termes de population, cela fait de ce bidonville la troisième ville du Calaisis et pratiquement la cinquantième ville du département.
"C'est quelque chose d'assez fou", confie Claudine Gilles, bénévole au sein de l'association Salam et qui n'était pas venue sur place depuis deux mois: "On ne reconnaît rien tellement il y a de nouvelles constructions. Il y a encore plus de restaurants, de magasins… Il y a même une discothèque maintenant". Et d'ajouter: "Il y a tout un tas de nouvelles têtes, essentiellement des enfants, des familles".
"Absolument urgent"
Depuis près d’un mois les arrivées de migrants se font donc à un rythme effréné. Alors pour tenter d’abriter ces clandestins, une association les aide à fabriquer des cabanes en bois. "C'est absolument urgent. On est tous dessus, explique Alain, bénévole, tout en continuant de s'affairer. On construit des abris de 2X3 mètres, c'est-à-dire suffisamment grand pour mettre deux lits isolés du sol. Le seul inconvénient est qu'il n'y a pas de fenêtres".
Au total, ce sont près d'une vingtaine d’abris qui sont construits chaque week-end. "J'ai de la chance de pouvoir dormir ici, se satisfait Adam, qui vit dans sa cabane depuis 10 jours avec un autre clandestin. C'est une chose inimaginable pour nous, c'est super". Si 80 cabanes ont déjà était construites, c'est largement insuffisant au regard des 500 hommes et femmes qui arrivent chaque semaine. Un afflux de migrants, conséquence directe de la situation au Moyen-Orient selon Christian Salomé, président de l’association Auberge des migrants.
"Plus d'interventions de police-secours"
"Ici, ce sont des gens qui fuient la guerre, l'augmentation des bombardements en Iran, Irak ou Syrie, assure-t-il. Immanquablement, s'il y a davantage de guerres, il y a davantage de réfugiés de guerre… Et vous les retrouvez donc ici…". Si les associations peinent à suivre le rythme, les forces de l’ordre subissent elles-aussi cette explosion démographique de la jungle. "Il y a plus de pression sur le port, plus de pression sur le tunnel… Il y a aussi plus d'interventions de police-secours", confirme Gilles Debove, du syndicat SGP Police.
"Pour autant, les effectifs des forces mobiles, eux, n'ont pas évolué", regrette-t-il. Ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences, selon lui: "Le souci c'est qu'après le découragement, place à la colère. On va arriver à un moment où tout va lâcher car on ne peut plus vivre et travailler dans des conditions pareilles". Or, rien n’indique que la situation se calmera. En effet, les associations tablent sur la présence de 8.000 personnes dans la jungle calaisienne d’ici deux mois. Ce qui inquiète énormément Claudine Gilles: "Ce que je vois arriver gros comme une maison c'est que Calais devienne un hotspot. C’est-à-dire un endroit où les gens vont pouvoir se poser un peu mais où l'on va les trier".