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L'objectif zéro SDF est-il atteignable?

Selon la fondation Abbé Pierre, le nombre de SDF a doublé depuis 10 ans. Pourtant, présidentielle après présidentielle, les différents candidats ont promis de sortir de la rue tous les sans-abris. Sans résultat visiblement.

La fondation Abbé Pierre publie ce mercredi son rapport sur le mal-logement. Il en ressort que le nombre des SDF en France a doublé depuis 10 ans, malgré les nombreuses promesses des candidats à la présidentielle de régler la question.

C’est un grand classique des campagnes présidentielles. Il y a 20 ans déjà, en 2002, Lionel Jospin promettait “zéro SDF” pour 2007. On l’avait taxé de démagogie. Il avait dû préciser que c’était une sorte d’objectif idéal. Présidentielle suivante, en décembre 2006, lors d’un meeting à Charleville-Mézières, le candidat Nicolas Sarkozy fait cette promesse: “D’ici deux ans, si je suis élu, plus personne ne sera obligé de dormir sur le trottoir”. Et le futur candidat avait annoncé un droit opposable au logement qui devait permettre à chacun de saisir les tribunaux pour obtenir une solution de logement. On connaît la suite, Nicolas Sarkozy a été élu et la question des SDF n’a pas été réglée en deux ans comme promis. Comme disait Charles Pasqua, “les promesses n’engagent que ceux qui y croient“.

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Emmanuel Macron refuse l’idée de s'être engagé à la légère

Est-ce qu’Emmanuel Macron s’est lui aussi engagé à reloger tous les SDF? Il dit que non, mais en fait si. En juillet 2017, à peine élu, il avait déclaré: “D’ici la fin de cette année, je ne veux plus de femmes et d’hommes qui dorment dans les rues ou dans les bois”.

Par la suite, Emmanuel Macron a eu l’occasion de préciser que ce n’était pas la promesse de régler le problème des sans-domicile fixe, mais uniquement une déclaration sur l'accueil des demandeurs d’asile. Il refuse donc l’idée de s'être engagé à la légère et de ne pas avoir tenu ses promesses. Sauf qu’en présentant ses vœux, le 31 décembre 2017, il a bel et bien promis “d'apporter un toit à toutes celles et à tous ceux qui sont sans abri. C’est un engagement”, a-t-il dit, “que je prends devant vous”. Engagement intenable, en tout cas pas tenu.

Aujourd’hui, c’est Jean-Luc Mélenchon qui fait à son tour la même promesse. Il a présenté mardi un plan zéro SDF à l’horizon 2027. Il promet, que s’il est élu, de créer de grands centres d'hébergement dans les anciennes casernes ou dans les hôpitaux qui ferment.

Il veut développer le système des pensions de famille, des petites structures d'accueil avec des hôtes qui sont aussi des assistants sociaux. Il y a déjà 20.000 hébergements en pensions de famille actuellement. Jean-Luc Mélenchon veut multiplier ce chiffre par 5. Il évalue le coût de son programme à 3,7 milliards par an.

En attendant, la fondation Abbé Pierre a fait les comptes, et le nombre de SFD ne cesse d’augmenter. On est passé de 140.000 en 2012 à 300.000 aujourd’hui. Deux fois plus en dix ans. Il y autant de gens qui dorment dehors en France qu’il y a d’habitants dans des villes comme Nantes ou Montpellier.

La fondation Abbé Pierre indique que tous les soirs, 4000 personnes appellent le 115, mais n'obtiennent pas de places d'hébergement d’urgence. Et ce n’est que la partie émergée de l’Iceberg, puisque 80% des SDF n'appellent jamais le 115.

La fondation a aussi recensé en novembre dernier, sur le seul département de Seine-Saint-Denis, 60 enfants de moins de trois ans, dormant dehors. Et sur l’ensemble du territoire, ce sont 6000 mineurs qui vivent dans des bidonvilles.

Enfin, dans la rue, il y a des naissances et des décès. Le collectif des morts dans la rue a recensé 587 morts, d’un âge moyen de 48 ans. On a aussi recensé en 2019, la naissance de 150 bébés dans la rue en un an.

Que réclame la fondation Abbé Pierre ? À peu près la même chose depuis 67 ans. Le 1er février 1954, l’Abbé Pierre avait lancé son célèbre appel sur radio Luxembourg en disant, “mes amis au secours, une femme vient de mourir gelée à trois heures du matin sur le boulevard Sébastopol”. Et le célèbre prêtre avait demandé l’ouverture immédiate de centres d'hébergement avec “des couvertures, de la paille et de la soupe”.

67 ans plus tard, sa fondation demande toujours des places d’urgences, mais surtout une politique du logement. Le rapport publié mardi étrille ce qui s’est fait depuis cinq ans. On a rogné les aides aux plus modestes, l’effort public pour le logement n’a jamais été aussi faible, l’offre de logements sociaux est au plus bas depuis 15 ans. Les successeurs de l’abbé Pierre demandent à tous les candidats de s’emparer de la question et pas juste en promettant zéro SDF.

Nicolas Poincaré