La crèche de Noël de Béziers interdite: "Il ne faut pas confondre laïcité et lutte contre les religions"

Une crèche de Noël - Yann COATSALIOU / AFP
- Robert Ménard est maire de Béziers, proche du Front national et ancien président de Reporter sans frontières.
"Je suis déçu de cette décision, je ne peux évidemment pas m'en féliciter. Mais cette décision qui concerne la crèche de 2014, et à ce moment-là, il n'y avait pas de jurisprudence, ni de prise de position du Conseil d'Etat. On ne savait pas ce qu'on pouvait faire ou pas. Aujourd'hui, il y a une jurisprudence. Les crèches que nous faisons, et que nous allons refaire cette année, cadreront plus avec la loi.
Comme le recommande le Conseil d'Etat, elle sera donc plus 'festive', plus 'culturelle', et ouverte à tout le monde, ainsi qu'elle l'a toujours été à Béziers. Elle sera davantage insérée dans l'ensemble de la programmation de Noël. A l'entrée de la mairie, il y a des chalets, dont un vend des santons, une boîte aux lettres du père Noël, une patinoire…
"La crèche ne gêne personne"
L'an dernier, 23.000 personnes sont venues, pour une ville de 77.000 personnes. Des gens de toutes sensibilités, athées et croyants, pratiquants et non pratiquants, se sont exprimés dans notre livre d'or. La crèche ne gêne personne, elle est un éloge des valeurs familiales et que vous soyiez musulman, juif, orthodoxe, catholique ou agnostique, normalement, cela vous parle.
Bien que cette décision ne m'étonne pas, il ne faut pas confondre la laïcité et la lutte contre les religions. J'ai une conception, ouverte, tolérante et libérale de la laïcité. Chacun dans sa vie privée fait ce qu'il veut. Mais en même temps, on ne peut pas faire comme si ce pays n'était pas de tradition judéo-chrétienne. Pardon, mais on n'est pas l'Arabie saoudite.
Dans la salle du conseil municipal de Béziers, la moitié des peintures allégoriques ont une connotation religieuse. La plus vieille église de Béziers s'appelle Saint-Aphrodise parce que c'est cet apôtre qui aurait évangélisé cette ville. Je reste curieux des nouvelles décisions du conseil d'Etat. Un contentieux est en cours, initié par les Libres penseurs, qui sont des gens payés avec l'argent du contribuable pour nous emmerder."
- Didier Maus est constitutionnaliste, maire de Sarnois-sur-Seine, et auteur d'un texte paru dans Le Monde sur ces arrêts du conseil d'Etat.
"Cette décision est en réalité l'application mécanique de la grille d'analyse donnée par le Conseil d'Etat après l'affaire de la Vendée et de Melun en 2016, en l'adaptant aux circonstances locales. Mais ça ne supprime pas la polémique politique.
Le fait est que, à Béziers, il n'y a jamais eu de crèche avant Robert Ménard. Or, la jurisprudence est extrêmement précise: la crèche est interdite dans un espace public de type mairie, sauf si elle est traditionnelle, si elle a un caractère festif ou culturel, ou qu'elle se rattache à une histoire - c'est-à-dire s'il y a eu des crèches de Noël de tout temps dans la ville.
"A Béziers, ça posera toujours problème"
Le sapin de Noël, par exemple, ne pose pas de problème, on considère que ce n'est pas un symbole religieux, il a un côté festif de toute éternité.
Mais même si le maire de Béziers arrange sa crèche avec des santons provençaux, ça posera toujours problème. Il en fait lui-même une manifestation religieuse, historique et culturelle. Ce contexte est important. Je ne sais pas s'il y a des jardins municipaux à Béziers, mais il pourrait l'y mettre, sous abri, ce qui serait plus conforme à la jurisprudence, qui l'autorise sous cette forme tant qu'elle n'a pas de caractère prosélyte. Mais Robert Ménard est intéressé par la confrontation.
La jurisprudence du Conseil d'Etat a le mérite d'exister et de fournir un mode d'emploi pour tous les tribunaux. S'il y a des opposants locaux à Béziers, ils peuvent faire un référé-suspension."