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Opération Barkhane: pourquoi la France n'arrive-t-elle pas à partir?

EXPLIQUEZ-NOUS - La France ne devrait pas annoncer de retrait des troupes du Sahel lors du sommet de N'Djamena qui commence ce mardi soir.

L’avenir de l’opération Barkhane est au menu du sommet qui se tient jusqu'à ce soir à N'Djamena. Sauf surprise, aucune décision tranchée ne devrait être annoncée au cours de ce sommet de Ndjamena, auquel Emmanuel Macron participe par visioconférence depuis Paris.

L’Elysée a déjà indiqué que d’éventuels ajustements seront décidés dans les semaines ou les mois qui viennent. Autrement dit, il est urgent de ne rien décider. Ce qu’on appelle “d’éventuels ajustements ”, ce serait le retour en France d’une partie des plus de 5000 soldats français qui sont dans le désert. Il faudra bien le faire un jour, mais ce n’est pas programmé pour l’instant.

Pourquoi est-ce si difficile de se désengager ?

Parce qu’il n’y a pas de bonnes solutions. Soit on reste et on s’enlise, soit on part et c’est le chaos. Si on reste, on prolonge une opération qui dure depuis déjà huit ans déjà, qui coûte environ deux millions et demi d'euros par jour. Et qui a surtout coûté la vie à 57 soldats français. Le spécialiste et ancien militaire Michel Goya estimait la semaine dernière que l’on est arrivé à la limite de ce qui est acceptable par l’opinion en termes de coût humain et financier.

À l’inverse, un vrai retrait de la France au Sahel n’est pas une option. Ce serait avouer que l’on a fait tout cela pour rien. Ce serait aussi abandonner cinq pays africains et leur population. Et laisser libre champ aux terroristes de Daesh et d’Al-Qaïda.

Pour enfoncer le clou, le patron de la DGSE, Bernard Emié a pris la parole le 1er février pour expliquer que depuis le Mali, des terroristes réfléchissent à des attentats en Europe. C’est Le Parisien ce mardi matin qui rappelle cette intervention publique très rare et très opportune du patron des services secrets.

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Est ce qu’au moins cette opération Barkhane obtient des résultats ?

Depuis un peu plus d’un an, oui. Depuis l’envoi de renforts décidé au sommet de Pau après la mort de 13 soldats français dans le choc de deux hélicoptères. Il a aussi été décidé à ce moment-là de changer de stratégie et d'être beaucoup plus offensif avec des attaques combinées de l’aviation, des hélicoptères, et des commandos au sol. Avec l’utilisation aussi de drones armés, ce qui est nouveau. Résultat, environ 1500 djihadistes ont été tués d'après un très récent rapport parlementaire avec notamment la mort en juin dernier du chef historique d'Al-Qaida au Maghreb islamique.

L'armée française a porté des coups très rudes aux groupes terroristes même si les militaires savent bien qu’il est impossible d’en venir à bout.

On a, par ailleurs, appris récemment que cette opération au Mali a été lancée par François Hollande il y a huit ans, sur la base d'informations très exagérées. On sait aujourd’hui qu’elle a commencé non pas sur un mensonge, mais au moins sur une grosse exagération, pour le dire poliment.

En janvier 2013, on avait parlé de colonnes de terroristes qui faisaient route vers Bamako, la capitale malienne et qui risquaient de s’emparer de tout le pays. Dans l'urgence, François Hollande avait donné l’ordre de stopper ces colonnes et de reconquérir le pays. Ce qui a été fait en quelques semaines. L'armée française a délogé les islamistes qui faisaient régner la terreur à Gao et à Tombouctou. Les parachutistes de la légion étrangère avaient sauté sur Tombouctou, François Hollande était ensuite venu sur place et avait dit que c’était le plus beau jour de sa vie.

Sauf que l’on apprend aujourd’hui, grâce à une enquête de Jean-Dominique Merchet dans l’Opinion, qu’il n’y avait pas de colonnes de terroristes qui faisaient route vers la capitale. Les hélicos français censés stopper cette offensive n’ont finalement détruit que deux pick-ups dans une première opération puis une dizaine d'autres quelques jours plus tard.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de menace, ni que l’intervention française n’était pas légitime. Cela veut juste dire que l’on a inventé une urgence qui n’existait pas, pour justifier l'entrée en guerre de la France au Sahel. On ne savait pas à l'époque que ce serait si long.

Nicolas Poincaré