"Pas de recette miracle": les jeunes de 16 ans sont-ils assez matures pour obtenir le droit de vote?

Le Royaume-Uni abaisse l'âge du droit de vote à 16 ans. Le gouvernement britannique a annoncé que les jeunes de cet âge pourraient désormais déposer un bulletin dans l'urne pour toutes les élections, même si le Parlement doit encore approuver cette mesure.
Cette décision est une nouvelle occasion de relancer le débat en France, où Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon l'avaient proposée dans leur programme lors des dernières élections présidentielles.
Les jeunes de 16 ans, assez matures?
Chez les principaux concernés, certains, comme Nathan, 16 ans tout pile, s'interroge sur la question de la maturité. "C'est un peu l'âge où on essaye de prendre nos propres décisions. À 18 ans, on a plus de maturité qu'à 16 ans", estime le jeune homme.
Son ami Joshua, lui est plutôt favorable à la mesure, mais aujourd'hui, les jeunes sont encore trop immatures parce qu'ils sont "souvent infantilisés". Ce qui ne les aide pas à avoir "confiance en nous".
"Voter à 16 ans, c'est possible, mais on aurait plusieurs étapes à franchir avant de pouvoir, en termes de maturité", détaille Joshua.
Père de deux enfants, qui sont désormais majeurs, Vincent est "vraiment opposé" à un abaissement de l'âge du droit de vote. "Quand on prend des décisions, il faut savoir, si on vote mal, les assumer, en payant. Effectivement, il y a des gens de 16 ans qui travaillent, et on pourrait étudier le droit de vote pour eux, mais ceux qui ne travaillent pas ne payent pas leurs erreurs", déclare-t-il catégorique, dans Apolline Matin.
Des biais de subjectivité
Des propos auxquels s'opposent complètement Aboudou. Pour ce père de deux enfants, il est "impératif d'abaisser le droit de vote", parce que, selon lui, même ceux qui ne travaillent pas sont parfois exposés à des problématiques d'adultes. "À chaque fois on tape sur la jeunesse, on veut la juger comme des adultes", justifie-t-il.
"Récemment on a vu notre propre ministre de la Justice dire qu'il va falloir peut-être faire une exception pour pouvoir juger les jeunes de 16 ans comme des adultes", enchérit Aboudou.
Concernant la question de l'absence de maturité avancée par certains opposants, le politologue Dorian Dreuil la juge, sur RMC, "délicate", parce qu'elle est "sujette à des biais très personnels de subjectivité". Selon lui, personne ne se réveille à 18 ans en se disant "j'ai la maturité qu'il faut pour voter".
Preuve de ce biais, Nadia estime, elle, que sa fille de 17 ans est totalement apte à voter: "Cette génération-là, ils sont beaucoup plus impliqués entre guillements dans la politique d'aujourd'hui." Lila, sa fille, abonde: "Totalement, je pense qu'avec les réseaux sociaux et les sites internet, on a largement de quoi se renseigner, de quoi s'informer et de quoi se faire un avis personnel."
Un nouveau souffle politique
Abaisser l'âge du droit de vote à 16 ans permettrait selon Dorian Dreuil, politologue et expert associé à la fondation Jean-Jaurès, "d'inscrire de nouveaux thèmes de campagne à l'agenda du débat politique" car les jeunes se mobilisent sur des causes et des sujets différents. "La question de l'égalité des droits, la question environnementale, des solidarités", cite notamment le spécialiste.
"Il y a des formes de mobilisation et d'engagement qui sont aujourd'hui différentes parce que les jeunes ont un regard sur le pouvoir qui est différent", ajoute-t-il.
Cette mesure aurait pour effet de renforcer la participation électorale, selon Dorian Dreuil et "de lutte contre l'abstention". "Le vote est une habitude, qui plus elle se prend tôt plus elle se garde durablement", affirme l'expert.
L'objectif du gouvernement du Royaume-Uni est de permettre que "plus de personnes puissent s'engager dans la démocratie britannique". "Aujourd'hui, il y a une telle déconnexion entre les jeunesses et le pouvoir politique qu'apporter un nouveau droit démocratique, ça pourrait aussi participer à reconnecter et à réinvestir une partie des jeunesses dans l'engagement politique", analyse Dorian Dreuil.
Le politologue rappelle que cette mesure n'est pas une "recette miracle" pour "réenchanter la démocratie" ou "réconcilier les plus jeunes avec la politique". Dans tous les cas, elle devra "s'accompagner d'un renforcement des cours moraux et d'éducation civique au lycée".
À ce jour, seuls quelques pays autorisent les jeunes de 16 ans à voter aux élections nationales. Parmi eux, l'Autriche fut le premier pays de l'Union européenne à avoir abaissé l'âge du droit de vote à 16 ans en 2007.