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Pourquoi les commémorations des 200 ans de la mort de Napoléon font-elles polémique?

EXPLIQUEZ-NOUS - Emmanuel Macron participera ce mercredi après-midi aux commémorations des 200 ans de la mort de Napoléon.

Les commémorations de la mort de Napoléon sont des cérémonies qui ne font pas l’unanimité. D'abord, parce que l’histoire est une matière vivante et que notre regard sur Napoléon a beaucoup évolué.

En 1921, il avait été célébré pour les 100 ans de sa mort, au lendemain de la Première Guerre mondiale, le maréchal Foch avait glorifié le génie militaire, le général invincible. En 1969, pour les 200 ans de sa naissance, De Gaulle avait voulu des cérémonies grandioses , et André Malraux qui les avait organisées avait expliqué: “On ne marchande pas avec la grandeur de la France”.

Et puis les choses ont ensuite changé. Les présidents français ont hésité à célébrer l’empereur. Jacques Chirac a refusé de se rendre aux cérémonies du bi-centenaire d'Austerlitz en 2005. François Hollande n’a rien voulu faire pour les 200 ans de Waterloo en 2015. Bref, Napoléon commence à sentir un peu le souffre.

Parce que Napoléon est controversé. Il est le créateur de l'État moderne, du code civil, de la préfectorale et des grandes écoles. Il est un stratège militaire admiré aujourd’hui dans le monde entier. Il a été en son temps l’homme le plus puissant du monde, il a fait la grandeur de la France et sa légende a été enseignée à des générations de petits Français.

Mais il a aussi été un despote, un tyran, le fossoyeur de la révolution. Un boucher responsable d’un million de morts sur les champs de bataille. Et avec le temps, et avec nos lunettes d’aujourd’hui, de nouveaux reproches lui sont faits. Voir de nouveaux crimes lui sont imputés. Comme d’abord celui d’avoir rétablie l’esclavage en 1802. À la Réunion, en Guyane et aux Antilles. Mais surtout dans ce qui était à l’époque la plus grande colonie française: l'Amérique, le sud des Etats-Unis actuels, l’instauration pour les noirs d’un régime extrêmement sévère. La fondation pour la mémoire de l’esclavage, présidé par l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault vient d’écrire à Emmanuel Macron pour lui rappeler cette page sombre.

Emmanuel Macron, justement, quelle est sa position?

Dans son discours ce mercredi après midi sous la coupole de l’Institut, il va déclarer que le rétablissement de l’esclavage par Napoléon a été, je cite, une “abomination”. L'Elysée l’a fait savoir pour couper court à la polémique.

Le président veut que cet anniversaire soit l’occasion de regarder l’histoire en face. Il précise que “commémorer n’est pas célébrer”. Il n'empêche que si l’on ne va pas “célébrer“ Napoléon, on va tout de même “l’honorer”.

Emmanuel Macron se rendra au tombeau de Napoléon sous la coupole des invalides et il déposera une gerbe en compagnie du chef d’état-major des armées. Déjà a peine élu, l’été 2017, Emmanuel Macron avait fait visité ce tombeau à Donald Trump. Et il l'avait dit au président américain: “Ce qu’a fait Napoléon est incroyable”. Emmanuel Macron est donc clairement plus Napoléonien que ces prédécesseurs…

Cette commémoration a tout de même un mérite, elle permet de se repencher sur l’histoire. Et sur des épisodes que l’on ne nous a pas enseignés à l'école comme par exemple l’affaire de l’euthanasie des soldats français à Jaffa. Cela se passe pendant la campagne d'Egypte en mars 1799. Bonaparte assiège la ville de Jaffa, aujourd’hui en Israël. Il envoie des émissaires pour négocier la reddition du gouverneur turc, mais les émissaires sont égorgés.

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En représailles, Bonaparte fait exécuter 3000 prisonniers albanais. Exécutés à la baïonnette pour économiser les munitions. Puis les Français donnent l'assaut, mettent la ville à sac, violent les femmes massivement. Puis un peu plus tard, au moment de quitter la ville, le futur Napoléon apprend que plus d’un millier de ses soldats souffrent de la peste. Il leur rend visite pour montrer qu’il n’a peur de rien puis il ordonne de les euthanasier. 1500 soldats français vont être tués par empoisonnement, en fait par overdose d’opium.

Tout cela juste pour rappeler qu’il y a 200 ans, nous étions des barbares.

Nicolas Poincaré