Pourquoi les plaintes pour injures racistes sont si peu nombreuses en France
Les personnes noires continuent de subir des "discriminations nombreuses" en France, souligne la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dans un rapport qui formule plusieurs recommandations afin de "décoloniser les esprits".
Dans l'édition 2019 de ses travaux "sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie", remis au Premier ministre jeudi matin, la commission développe une partie de son rapport, bouclé en mars, sur les particularités du racisme envers les personnes noires. Entre 2017 et 2018, déjà, la France avait connu une hausse de 20% des actes racistes.
Ces chiffres sont pourtant sous-estimés par rapport à la réalité. De nombreuses insultes racistes ne sont jamais signalées et ne rentrent donc pas dans les comptes du ministère de l'Intérieur.
Plus que les regards, parfois déplacés, dans la rue, ce sont les mots de certains qui blessent Nadjidah.
“Des petits ou des grands, ils me traitent de noir ou ils me disent que j’ai un gros nez des trucs comme ça. Pour eux, ce n’est pas méchant, si on leur pose la question est-ce que vous êtes raciste, ils vont dire non”, indique-t-elle.
Des insultes que cette Marseillaise de 21 ans entend régulièrement. Pourtant, elle n’a jamais porté plainte. “Je me dis qu’il y a des choses plus graves que ça en fait. Si c’est vraiment grave, si c’est du vrai racisme, là, j’irai porter plainte”, assure-t-elle.
Les peines encourues trop faibles?
Elle n’est pas vraiment un cas isolé. Fatima, non plus, ne voit aucun intérêt à aller au commissariat pour signaler des insultes racistes. “Si on nous traite de nègre, qu’on va au commissariat, on dit quoi ? Ils ont parlé de la couleur de ma peau, je suis noire. Donc je finis par ne plus m’en rendre compte, je ne fais plus attention”, affirme la jeune femme.
Et rien dans le système judiciaire français n’incite les victimes à porter plainte, regrette Pauline Birolini, juriste à SOS Racisme.
“Pour une injure raciste à caractère privé, on encourt jusqu’à 1500 euros d’amende maximum. Donc, souvent, c'est des amendes assez faibles, et les amendes allouées à la victime sont faibles aussi. Donc ce n’est pas très encourageant par rapport à d’autres infractions qui pourtant sont tout aussi graves”, indique-t-elle.
Elle estime que trois plaintes déposées sur quatre n’aboutissent à aucune procédure judiciaire.
A noter que ce rapport, a été bouclé en mars, avant les manifestations de ces dernières semaines contre le racisme et les violences policières organisées par le comité Adama Traoré, jeune homme noir mort en juillet 2016 après son interpellation par des gendarmes en région parisienne. Une mobilisation revenue au premier plan depuis la mort de George Floyd, un quadragénaire noir asphyxié par un policier blanc le 25 mai à Minneapolis.