"C'est inquiétant": un député veut encadrer les reconversions de généralistes vers la chirurgie esthétique

Pour éviter la fuite des médecins vers des disciplines esthétiques souvent bien plus lucratives, le député LR Yannick Neuder veut réguler les reconversions. D'après le Conseil de l'Ordre des médecins, 5 à 6 % des 111.000 médecins généralistes pratiquent en partie ou totalement de la médecine esthétique, alors que 87% du territoire français est en situation de désert médical.
Se reconvertir dans la chirurgie esthétique, c'est d'ailleurs le souhait d'Olivier Véran, l'ancien ministre de la Santé, aujourd'hui député de la majorité et neurologue de profession qui envisage de prendre un virage à 180 degrés et se former à la discipline au sein d'une clinique privée parisienne.
"Moins de pression"
Cette reconversion, c'est aussi le choix de Marie Valin, urgentiste pendant 3 ans au CHU de Rouen qui a aussi choisi la médecine esthétique: "On a quand même moins de pression en médecine esthétique pour pouvoir recevoir les patients dans de bonnes conditions et pour leur faire des consultations de qualité", explique-t-elle à RMC. Une forme de soins qui n'est pas reconnue aux yeux de l'Ordre des médecins: "Mais on a tous les diplômes universitaires et privés pour pouvoir exercer", détaille la praticienne.
Mais Jean-Francois Delahaye, chirurgien plasticien et conseiller national de l'Ordre des Médecins, s'inquiète de voir les médecins généralistes délaisser la profession: "Il suffit qu'un tout petit nombre de médecins pratiquent l'exercice de la médecine esthétique pour déséquilibrer le système. On comprend très bien que des médecins veulent faire de la médecine esthétique mais ça doit être un exercice complémentaire à leur pratique initiale", estime-t-il.
C'est tout l'enjeu de la proposition de loi du député LR de l'Isère Yannick Neuder: "Il faut regarder dans quelles conditions la médecine esthétique peut s'exercer. Pourquoi certains médecins sont amenés à prendre de tels choix? Quelle est leur formation? Quelles sont les rémunérations? Est-ce que ça ne nuit pas au système de santé?", s'interroge l'élu.
Pour le député, augmenter le tarif des consultations des médecins généralistes permettraient de limiter les reconversions vers la médecine esthétique.
"70% des jeunes médecins, ont une activité médicale vers l'esthétique"
Ancien ministre de la Santé, François Braun contrairement à Olivier Véran, a choisi de reprendre ses fonctions de médecin au centre hospitalier régional de Metz: "Ce qui est alertant, c'est que 70% des jeunes médecins généralistes qui s'installent à Paris, ont une activité médicale vers l'esthétique ou loin d'être prioritaire", explique-t-il sur RMC et RMC Story. "C'est inquiétant au moment où on a besoin de généralistes", ajoute le médecin.
Si ces reconversions peuvent entraîner des accidents parfois graves, elles sont symptomatiques d'un changement du système de santé, estime François Braun: "L'exercice médical est en train de changer, avec un exercice salarié comportant moins de contraintes administratives. C'est une mutation complète de notre système, qu'il faut comprendre et accompagner car on ne pourra pas lutter contre", poursuit le médecin.
François Braun appelle à encadrer les reconversions pour que l'exercice soit bien fait tout en réorientant vers d'autres spécialités comme la psychiatrie. Pour autant, l'ancien ministre de la Santé assure ne pas soutenir "en l'état", la proposition de loi du député LR Yannick Neuder qui veut réguler les reconversions: "La contrainte, ça ne fonctionne pas. Cette proposition par contre, a le bénéfice d'alerter", conclut-il.