Ces médicaments à bannir, ou comment éviter de "se retrouver hémiplégique pour un simple rhume"

Ce sont des médicaments parfois en vente-libre dans les pharmacies et qui seraient "plus dangereux qu'utiles". La revue médicale indépendante Prescrire (financée uniquement par les abonnements) a dévoilé jeudi sa liste de près d'une centaine de médicaments à éviter en raison des risques sanitaires "disproportionnés" qu'ils font courir aux patients. Cette liste noire en accès public a été établie sur la base d'analyses publiées dans la revue au cours des années 2010 à 2016. Ainsi, dans son édition 2017, Prescrire déconseille l'utilisation de 91 médicaments, dont 82 vendus en France.
Des médicaments contre le rhume, la toux, l'arthrose, le diabète, Alzheimer ou le cancer... "82 médicaments, ce n'est pas beaucoup sur les milliers du marché, mais ils touchent beaucoup de gens, et c'est toujours trop, puisque ce sont des médicaments plus dangereux qu'utiles", regrette Bruno Toussaint, directeur de la rédaction de la revue Prescrire, invité ce vendredi de Bourdin Direct.
"Actifed, Humex, Ibuprofène…"
Selon Prescrire, de simples médicaments contre le rhume, des décongestionnants, comme la pseudoéphédrine, disponibles sans ordonnances, exposent à un risque de troubles cardiovasculaires graves, voire mortels (poussées d'hypertension, AVC, troubles du rythme cardiaque). Exemple avec l'Actifed ou l'Humex, utilisés quand on est enrhumé et vendu librement en pharmacies. "Sur l'Actifed rhume 'jour et nuit', il y a un vaso-constricteur qui a un petit effet pour décongestionner le nez mais qui agit aussi sur le corps: il y a des risques d'infarctus, d'attaques cérébrales ou d'autres problèmes cardio-vasculaires. C'est rare, mais c'est arrivé. Se retrouver hémiplégique pour avoir le nez dégagé pendant un quart d'heure… Et Bruno Toussaint de rappeler que pour les rhumes, "un peu d'eau salée dans le nez décongestionne. C'est tout simple !".
Autre médicament qui peut avoir de graves conséquences: l'ibuprofène, à éviter absolument si l'on est enceinte. "Parmi les anti-inflammatoires c'est un bon choix, du moment qu'on respecte la dose. Mais il ne faut pas être enceinte. Il y a des signes qui font penser qu'il y a un risque en début de grossesse, mais il est inscrit sur les notice qu'il ne faut pas en prendre seulement au-delà de six mois de grossesse. Les autorités tournent autour du pot. Or, de 5.000 à 6.000 femmes en début de grossesse en prennent chaque année alors qu'elles ne devraient pas. Pour elle, c'est un risque disproportionné, et il faut privilégier dans ce cas le paracétamol".
"Les autorités se cachent derrière la notice"
D'autres médicaments utilisés pour soulager des maux de gorge ou des toux, comme le Muxol ou le Bisolvon, sans efficacité prouvée au-delà d'un placebo, peuvent entraîner des réactions allergiques et des réactions cutanées graves, parfois fatales.
"Si nous avons mis cette liste de médicaments en accès libre, c'est pour que tout le monde soit au courant, justifie Bruno Toussaint. Et pour aider les médecins et les pharmaciens à en parler avec leurs patients". Le directeur de Prescrire qui reconnaît, dans un sourire, que "ce n'est pas l'intérêt des firmes d'en parler".
Bruno Toussaint regrette que "les autorités laissent faire, se cachant derrière le fait que les risques sont inscrits sur la notice". "Mais en fait, il ne faudrait pas en prendre. Il y a des pharmaciens qui avertissent leurs clients de la dangerosité de certains médicaments, mais ils sont rémunérés sur leur chiffres d'affaires, donc plus ils vendent de médicaments plus ils gagnent d'argent. Cela ne les incite pas à déconseiller des médicaments".