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Covid-19: comment les simulations numériques pourrait permettre la réouverture de certaines salles

C'EST DEJA DEMAIN - Un outil technologique qui pourrait accélérer la réouverture des salles de spectacle, de cinémas… Des simulations numériques qui reproduisent à la gouttelette près un éternuement pour mieux comprendre comment on peut limiter la propagation du virus dans les lieux fermés.

Une arme trop peu exploitée dans l’arsenal anti-covid. On a en France des entreprises très performantes dans ce genre de simulation numérique. Le principe : on fait tourner des ordinateurs très puissants pendant des heures, qui vont reproduire le plus fidèlement possible les flux d’air et ce qui se passe en termes de propagation du virus quand quelqu’un tousse pendant un concert par exemple.

Dassault Systèmes par exemple a créé ce qu’on appelle un « jumeau numérique » de la grande salle de la Philarmonie de Paris, 2.400 places. Une reproduction extrêmement précise: le placement des spectateurs au millimètre près, avec ou sans masque, le système de ventilation qui est intégré sous chaque siège, le flux d’air contenant des particules virales si quelqu’un tousse, le mouvement précis de chaque micro gouttelette, seconde après seconde.

Ce serait contre-productif de ventiler au max

L’objectif est de comprendre quels sont les risques réels et comment optimiser le placement des spectateurs, l’inclinaison des sièges ou encore et la ventilation pour limiter au maximum risques de contamination. Et les enseignements sont intéressants et parfois contre-intuitifs: ils se sont rendus compte par exemple que le risque de contamination d’un spectateur à un autre était beaucoup moins élevé quand on réduisait le niveau de ventilation par deux – contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est contre-productif de ventiler au max.

Ou encore que dans cette salle spécifique, où le système d’aération est très performant, en termes de risque de propagation d’un bout à l’autre de la salle, on est proche de ce qu’on aurait si on était en plein air... Autrement dit : la salle pourrait très bien rouvrir.

Sauf que ce qui est vrai pour cette salle ne l’est pas forcément pour une autre

En fait on pourrait réaliser ce genre de simulation spécifiquement pour n’importe quel lieu accueillant du public –on l’a déjà fait pour les avions-. Plutôt que d’avoir une même règle pour tous, de la même manière qu’on on commence à avoir une différenciation en fonction des régions pour le confinement, on pourrait s’adapter aux spécificités de chaque salle, et déjà permettre à ceux qui montrent, sur simulation, que les risques sont limités de rouvrir, en respectant les gestes barrière évidemment.

Ce qui est intéressant, c’est que souvent ces modélisations vont à l’encontre des idées reçues. Une équipe de chercheurs suisses a fait le même genre de simulation pour les remontées mécaniques. Et selon leurs estimations, à condition que les fenêtres du téléphérique restent ouvertes, si quelqu’un est malade, la probabilité d’être infecté dans un trajet de 12 minutes dans cet espace il est vrai très resserré serait 50 à 100 fois moindre qu’une journée de travail avec une personne malade dans un bureau de 20 mètres carrés.

On peut aussi se servir de ces simulations numériques dans les entreprises par exemple pour éviter les contaminations en open space ou dans une usine

C’est une autre entreprise française spécialisée dans la simulation, ESI qui travaille d’habitude sur des simulations de crash test automobile par exemple. Et là ils ont analysé la propagation de la charge virale quand un salarié tousse ou éternue dans l’entreprise.

Paradoxalement, l’open space au milieu des collègues serait l’endroit le plus « sûr » de l’entreprise, à condition qu’il soit correctement ventilé et que les gens ne soient pas complétement entassés. Moins contaminant qu’un bureau bureau individuel fermé, où si quelqu’un tousse ou éternue.

Moins aussi qu’une cantine, de manière assez logique, puisque là, tout le monde enlève le masque pour manger. Et le lieu le plus « dangereux » de l’entreprise : les toilettes, souvent moins bien aérées. Là encore ces simulations vont être très utiles, pour savoir comment adapter la climatisation, comment l’ouverture et la fermeture des portes affectent les mouvements d’air, localiser les « points morts » ou les particules d’aérosol peuvent rester en suspension. Que ce soit dans un open space, sur une ligne d’assemblage ou dans un cabinet médical.

Anthony Morel (avec J.A)