Covid-19: pourquoi le gouvernement veut-il réduire la durée de la "quatorzaine"?
Que propose le gouvernement?
Il envisage d'assouplir la "quatorzaine", cette période de deux semaines d'isolement préconisée actuellement aux personnes testées positives et aux "cas contacts" jugés à risque d'avoir été contaminés, pour limiter la transmission du coronavirus.
Selon nos informations RMC, Olivier Véran, le ministre de la Santé, a saisi le Conseil scientifique qui planche en ce moment même sur cette question. Le ministre doit trancher dans les prochains jours en fonction de l'avis du Conseil et de la situation sanitaire.
Le ministre de la Santé a expliqué samedi avoir demandé "aux autorités scientifiques de donner un avis pour savoir si on ne peut pas réduire" la période d'isolement pour les cas contacts, la jugeant "sans doute trop longue". Il avait déjà évoqué cette hypothèse le 27 août, lors de la conférence de presse gouvernementale, indiquant avoir "saisi le Conseil scientifique en vue d'adapter si possible les conditions de cette mise à l'abri, et notamment sa durée", disant espérer "un feu vert pour réduire cette période".
Cet avis a été remis au gouvernement jeudi soir, mais n'a pas encore été rendu public, a indiqué le Conseil scientifique: il plaide pour un raccourcissement à sept jours de la durée d'isolement. La décision pourrait être prise "lors du prochain Conseil de défense", a affirmé dimanche la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.
Quels sont les arguments épidémiologiques?
Mais pour l'épidémiologiste Martin Blachier, il ne faut pas réduire la durée de l'isolement, mais éviter toutes les quatorzaines inutiles:
"Les cas-contacts, il faut imaginer qu'aujourd'hui on a un million de test. Il y a deux tiers, ce sont des gens qui pensent être des cas-contacts et là-dedans, il y a 3% de positif. Donc si à chaque fois qu'on pense qu'on a été en contact on se met en quatorzaine, on se retrouve avec 90% des quatorzaines qui sont inutiles", explique-t-il à RMC.
"Il faut désormais être pragmatiques et efficaces", estimait vendredi sur Twitter l'épidémiologiste Antoine Flahault. Les "quatorzaines doivent maintenant devenir des semaines de cinq jours. Au-delà de cinq jours, moins de 10% des porteurs de virus non symptomatiques sont contagieux".
"Lorsqu'on est porteur du virus, on est contagieux essentiellement trois jours avant l'apparition des symptômes et entre trois et cinq jours alors que les symptômes sont présents. Au-delà de sept jours, c'est plus négligeable pour les personnes peu symptomatiques. En revanche, si on a une forme sévère de Covid, on reste encore contagieux. Donc, ça reste cohérent de réduire cette mesure" a argumenté, Bruno Mégarbane, chef du service réanimation de l'Hôpital Lariboisière sur RMC et BFMTV.
Le moyen d'une meilleure acceptation par la population?
"Il vaut mieux huit jours bien respectés que 14 jours mal respectés", estimait lundi Martin Hirsch, président de l'AP-HP. Actuellement, "on a du mal à savoir si les Français respectent" les mesures d'isolement, car "on contrôle peu", mais les remontées de terrain montrent que "c'est compliqué".
Mais même écourté, faire respecter l'isolement reste un défi, avertit toutefois Rémi Salomon. Le néphrologue pédiatrique appelle à réfléchir à "des mesures économiques, des indemnités" pour les populations précaires et les professions indépendantes, qui aujourd'hui refusent parfois d'aller "se faire tester par crainte d'être isolées, d'être obligées de s'arrêter" de travailler.
Un arbitrage économique?
L'isolement, s'il est essentiel pour empêcher l'épidémie de se propager, entraîne en effet de lourdes conséquences pratiques et économiques, qu'il s'agisse d'un salarié renvoyé chez lui, d'un indépendant devant suspendre son activité ou d'un enfant que ses parents devront garder.
Raccourcir sa durée pourrait donc en limiter l'impact, mais ce serait un mauvais calcul, selon l'épidémiologique Catherine Hill. "Une stratégie qui consiste à laisser le virus circuler, c'est une grenade dégoupillée, qui coûtera bien plus cher que de bien faire les choses", déclare-t-elle.