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"Expliquez-nous": comment la polio a été éradiquée de l'Afrique et du monde

La poliomyélite a officiellement disparu du continent Africain. Depuis mardi, la maladie est considérée définitivement éradiquée. C’est le résultat d’immenses campagnes de vaccination.

30 à 40 années d’intenses campagnes de vaccination jusqu’au fond de la brousse et jusque dans les villages africains les plus isolés ont permis de venir à bout de la polio en Afrique. Il faudra un jour rendre hommage aux soignants africains qui ont fait ce travail de Titan. Mais c’est aussi le résultat d’une volonté politique.

En 1988, la décision est prise de tenter de faire disparaître la polio, “quoi qu’il en coûte”, comme on dirait aujourd’hui. Un programme mondial est mis sur place avec l’OMS, Avec l’Unicef, l’agence de l’ONU qui s’occupe des enfants, avec des financements américains et la mobilisation de tous les Rotary-clubs du monde.

Et les résultats ont été spectaculaires et immédiats. En dix ans, le nombre de cas a reculé de 95%. Dès 1994, la maladie est éradiquée de tout le continent américain. En 2000, elle a disparu dans 100 pays sur 130 où elle sévissait. En 2002, elle est éradiquée d’Europe. Le dernier cas français remonte a 1989.

Et finalement mardi, le 25 août 2020, la polio a été déclarée maladie vaincue sur le continent africain.

Comment peut-on déclarer qu’une maladie a disparue?

Parce que l’on a enregistré aucun cas depuis depuis 4 ans. Les derniers enfants malades de la polio se trouvaient au Nigéria et notamment au nord du pays dans les zones inaccessibles tenues par le groupe Boko Haram.

Les équipes de vaccination y sont allé quand même. Souvent sous forte protection militaire. Et malgré la guerre civile, elle ont réussi à convaincre les populations. Pour gagner, il faut vacciner 70 à 100% des enfants. C’est ce qu’on a réussi, même au Nigéria.

Résultat: zéro cas de polio depuis 2016 sur tout le continent. C’est une victoire. L’an dernier on n’a plus recensé que quelques dizaines de cas dans deux pays: en Afghanistan et au Pakistan. 173 en tout à l’échelle mondiale c’est rien.

On peut espérer que bientôt on parlera de la polio au passé

Exactement, comme on parle aujourd’hui de la variole. Dans les dictionnaires récents vous pouvez lire au passé: "la variole était une maladie contagieuse d’origine virale”. La variole était une maladie. Elle n’existe plus. 

C’était une horrible maladie, qui couvrait le visage de boutons. Elle était sexuellement transmissible. Elle faisait 2 millions de morts par an dans les pays les plus pauvres. Le tout dernier cas, a été constaté en Somalie en 1977, trois ans après la variole a été déclarée éradiquée le 8 mai 1980. Un jour de libération. Aujourd’hui la preuve de sa disparition c’est qu’on ne vaccine plus contre la variole.

Dans les deux cas, polio et variole, ce sont des campagnes de vaccinations qui ont permis de venir à bout de ces fléaux

Évidemment, il n’a pas d’autre moyen de lutte que le vaccin. Celui contre la polio a été trouvé par un médecin américain, Jonas Salk. Il avait convaincu Roosevelt de financer ses recherches. Roosevelt était lui même malade de la polio. C’est le seul président américain qui se déplaçait en fauteuil roulant.

Au début des années 50, lorsque le docteur Salk a obtenu son vaccin avec des souches désactivées. Il se l’est inoculé à lui-même puis à ses propres enfants, puis il a lancé le plus grand test de l’histoire de la médecine mondiale: 1.8 million d'enfants américains âgés de 5 à 8 ans. Ca représentait presque un enfant sur 4. La moitié ont reçu le vaccin, l’autre moitié un produit placebo. C’était hyper risqué. A l’époque le vaccin contre la rage faisait encore des morts. Il sauvait des vies mais tuait 0,4% des vaccinés.

Et ça a failli mal tourner. Un accident s’est produit. Une souche active de la polio a été injectée a 200.000 enfants. Il y a eu plusieurs dizaines de paralysés, et une dizaine de décès. Tout aurait pu s'arrêter là, mais l'erreur a été identifiée, l’essai a continué, le vaccin a prouvé son efficacité et son innocuité.

Le docteur Salk a sauvé des millions de vies, et sauvé de la paralysie des centaines de millions de personnes. A la fin de sa vie, dans les années 90, il a encore travaillé sur un vaccin sur le Sida mais sans succès.

Nicolas Poincaré (avec J.A.)