"Expliquez-nous": pourquoi le chômage risque d'exploser aux Etats-Unis à cause du coronavirus ?
Il y a des images qui tournent en boucle sur les télévisions américaines. Celle d’un grand parking de Las Vegas, ou l’on a peint sur le sol des rectangles de deux mètres carrés pour que les SDF ne dorment pas trop près les uns des autres. Dans une ville où les casinos sont fermés et ou 100.000 chambres d'hôtels sont vides.
Autre image filmée par un hélicoptère, un très long bouchon de 16 kilomètres, voitures immobilisées sur deux voies sur une autoroute à Pittsburgh en Pennsylvanie. Ce sont des gens qui se dirigent vers un centre qui distribue de l’aide alimentaire.
Et à New-York, dernière image, les files d'attente, immenses, devant les distributions de panier repas. La grande association caritative, City Harvest estime que trois millions de New-Yorkais vont bientôt dépendre des banques alimentaires pour se nourrir. C’est-à-dire un New-Yorkais sur trois.
D’un point de vue économique, les entreprises américaines ont anticipé la catastrophe sanitaire et ont massivement licencié. À un rythme qui ne s’est d’ailleurs jamais vu dans l’histoire américaine ni dans l’histoire du capitalisme. Les États-Unis comptait 3,9% de chômage au 1er mars. Il devrait atteindre les 32% très rapidement. Au total, 47 millions d’emplois sont menacés. 3,3 millions de nouveaux chômeurs se sont inscrits la semaine dernière et autant sont attendus cette semaine. Soit six millions de nouveaux chômeurs en 15 jours. Aux Etats-Unis, les chômeurs sont indemnisés différemment selon les Etats, mais en moyenne pendant 20 à 26 semaines. C’est-à-dire cinq à six mois maximum. Après les personnes sans emploi se retrouvent à la rue.
Donald Trump a annoncé un vaste plan d’aide. Une prime de 1200 euros par personne pour tous les revenus modestes. Un plan de 2200 milliards pour inciter les entreprises à ne pas licencier. Mais cela n'empêchera pas le chômage de masse qui est en train d’arriver et la misère qui l’accompagne.
Explosion de la vente d'armes, jugées produits essentiels
Dans le pays, la couverture médicale est aussi un problème. 75% des Américains disposent d’une assurance privée pour leur frais médicaux. Avec des franchises plus ou moins importantes. Une couverture des congés maladie qui souvent ne dépasse pas 8 ou 10 jours. Les plus pauvres disposent aussi d’une couverture publique, Medicare ou Medicaid. Mais il reste 28 millions d’Américains qui n’ont pas de couverture, pas de sécurité sociale.
La presse a déjà relevé le cas d’un jeune homme qui n’a pas été pris en charge dans un hôpital, faute d’assurance. Il est mort avant d’avoir pu trouver une place dans un hôpital public. L’égalité de tous face aux soins est une notion européenne qui n’existe pas aux Etats-Unis. On va bientôt le mesurer. On sait déjà que le taux de mortalité sera ainsi bien plus élevé chez les pauvres que chez les riches.
Cependant, pendant la crise, les Américains poursuivent leurs débats sur leurs sujets préférés : les armes et l’avortement.
En effet, dans un premier temps, les armureries ont dû fermer comme tous les commerces non-essentiels dans la majorité des Etats. Mais le lobby des armes, la fameuse N.R.A, a obtenu gain de cause. Les armes sont finalement des produits jugés essentiels. Les magasins ont rouvert et les ventes ont augmenté de 300%.
Sur l’avortement, quatre Etats conservateurs du sud, dont le Texas, ont demandé aux hôpitaux de considérer les IVG comme des opérations non urgentes et de les repousser. Au risque de dépasser les délais légaux. Il s’agissait selon le procureur du Texas, de réserver les lits au malade du coronavirus. La Cour suprême vient d’annuler ces décisions et d’ordonner que la liberté d’avorter soit respectée. Le Texas a fait appel.
La campagne interrompue
Dans cette situation, Donald Trump, lui, n’a pas besoin de faire campagne pour les prochaines présidentielles. Il fait une conférence de presse tous les jours, très suivie par les télévisions, et il raconte tout et son contraire. Il est hyper présent, mais il sait que son meilleur argument de campagne, c'était la bonne santé de l’économie et le faible taux de chômage. Et tout cela vient de s'écrouler. Jamais un, président américain n’a été réélu en période de récession.
Côté démocrate, la campagne est arrêtée depuis le 10 mars. Joe Biden et Bernie Sanders ont installé des caméras dans leur salon pour faire campagne depuis chez eux, mais on les entend peu. En revanche un autre démocrate crève l’écran, c’est le gouverneur de New York Andrew Cuomo. Il n’est pas candidat, pas dans la course de la primaire, mais il fait l’unanimité pour sa gestion de la crise. Et certains imaginent déjà qu’il s’impose, puisque désormais, tout peut arriver.