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"Expliquez-nous": pourquoi le coronavirus n'a, pour le moment, rien à voir avec les grandes épidémies ?

L'épidémie de coronavirus suscite de vives inquiétudes à travers le monde. Mais qu'en est-il vraiment des chiffres? Peut-on les comparer aux grandes épidémies de l'histoire? Explications de Nicolas Poincaré sur RMC.

La grippe a tué 34 personnes entre début décembre et la mi-février. On a compté 400 cas graves, c’est-à-dire des patients admis en réanimation. En une semaine début février, 9000 passages aux urgences, 600 hospitalisations dont 130 enfants de moins de 5 ans. La grippe saisonnière a tué 9500 Français en 2019, 12.980 en 2018. La moyenne, c’est environ 7000 morts par an. Le coronavirus en France pour l’instant, c’est deux mort, 11 personnes guéris et quatre hospitalisés dont un dans un état grave à Amiens.

La France est effectivement peu touchée pour le moment, mais au niveau mondial, on compte plusieurs dizaines de milliers de cas. 80.000 cas et 2700 morts, presque tous en Chine. Ce qui est très peu. La grippe saisonnière, toujours elle, rien qu’aux Etats-Unis a touché plusieurs dizaines de millions de personnes depuis décembre. 250.000 hospitalisations. Plus de 30.000 décès. Et l’hiver n’est pas fini. C’est la pire épidémie de grippe depuis 10 ans en Amérique du Nord. Elle a fait 10 fois plus de morts au Etats-Unis, que le coronavirus dans le monde entier. 

La différence, c’est que le coronavirus est deux fois plus contagieux que la grippe et 10 fois plus mortelle. C’est pour cela qu’il peut faire peur et aussi parce qu’il est nouveau alors que l’on est habitué à la grippe. Mais au niveau du bilan et des chiffres, on vient de le voir la grippe est bien plus dangereuse. Sans parler des maladies les plus mortelles au niveau mondial. Le cancer, 10 millions de morts par an. La tuberculose, un million et demi, le sida un million, le paludisme 450.000 dont 250.000 enfants de moins de 5 ans. 

Ces dernières années, le monde s’était déjà inquiété deux fois à cause de virus proche du coronavirus. En 2003, le SRAS qui était parti du sud de la Chine, qui avait gagné le Canada et la ville de Toronto en particulier. L'émotion était très comparable à celle d’aujourd’hui. On avait craint une pandémie mondiale. Le taux de mortalité était très élevé, mais finalement, on n’avait compté que 8000 cas et 774 morts dans le monde. 

La grippe espagnole, la plus meurtrière

Plus récemment, en 2009, l'épidémie de H1N1 a également été un traumatisme. Le virus venait du Mexique et d’un élevage de porc. Il a touché 125 pays dans le monde, mais très vite un vaccin a pu être fabriqué. Plusieurs pays ont opté pour des campagnes de vaccination massive dont la France. Il y avait eu de très longues files d’attente devant les gymnases, des médecins militaires réquisitionnés pour vacciner plus de 5 millions de personnes en quelques semaines, pour un coût de 600 millions d’euros. Beaucoup avaient reproché à la ministre de la Santé Roselyne Bachelot, d’en avoir fait trop. Et de s’est affolée pour pas grand-chose. C’est facile à dire après. Finalement, le H1N1 avait causé la mort de 300 personnes en France et 200.000 dans le monde. Encore une fois beaucoup moins que la grippe saisonnière, cette année-là. 

En revanche, il y a un peu plus d’un siècle, en 1918, le monde a connu une terrible épidémie : la grippe espagnole. Et là, on n’est plus du tout dans le même ordre de bilan. Elle n’avait rien d’Espagnol. C’est juste que les Espagnols ont été les premiers a donné l’alerte. Le virus venait de Chine et avait muté aux Etats-Unis plus précisément au Kansas.

Les soldats américains qui venaient se battre en France l’ont emmené avec eux. Puis elle s’est répandue partout dans le monde. On en mourrait généralement en 10 jours de complications pulmonaires. On ne sait toujours pas pourquoi, mais la population la plus touchée était celle des hommes de 20 à 40 ans, avec un pic à 30 ans. Ce qui était très injuste puisque c’est cette même population qui venait déjà d'être décimée par la guerre. 

Sauf que la grippe espagnole a fait beaucoup plus de morts que la première guerre mondiale.10 millions pour la guerre. Pour la grippe, on a parlé de 25 millions de morts à l’époque, mais les études les plus récentes évoquent plutôt le double. 50 millions de morts. 400.000 rien qu’en France.

Parmi les victimes : le président américain Wilson qui l’a attrapé à Paris en venant signer la paix. Le président du Brésil. Le Premier ministre sud-africain. Le poète Guillaume Apollinaire, l'écrivain Edmond Rostand. Mais aussi Kafka ou Max Weber, le premier sociologue. Tous mort de la grippe espagnole. La mère de toutes les grippes. Une grippe A H1N1, comme celle de 2009. Et qui n’était pas réapparue entre 1919 et 2009. 

On comprend mieux l’affolement de Roselyne Bachelot et des autorités il y a dix ans. On comprend mieux aussi les peurs qui renaissent comme aujourd’hui lorsqu’apparaît un nouveau virus.

Nicolas Poincaré