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"Expliquez-nous": pourquoi, malgré la crise, les bourses remontent

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L’économie mondiale traverse la plus grave crise de son histoire, mais les bourses se portent bien. Plus 6,3% pour la bourse de Paris en trois jours. Comment peut-on l’expliquer ?

Il y a des chiffres qui laissent pantois. L’industrie de l’aviation est une des plus impactées par la crise, plus aucune commande d’avions, des compagnies aériennes qui vont faire faillite. Résultat mercredi: Boeing +6%, Airbus +10%.

Le pétrole américain ne vaut plus rien. Le baril est même passé en dessous de zéro à un moment. Résultat: Exxon le géant pétrolier américain gagne 4% en une journée.

En France la construction est à l'arrêt total, plus aucun chantier en cours. Résultat: Spie Batignolles, géant de l’immobilier et de la construction bondit de 15% mercredi.

La Bourse anticipe-t-elle la reprise?

La bourse est toujours dans l’anticipation. On ne gagne qu’en pariant sur l’avenir. Et les bourses remontent beaucoup parce qu’elles ont d’abord perdu encore plus. Entre le 18 février et le 18 mars, le CAC 40 a perdu 35% de sa valeur.

Le 18 février, il venait d’y avoir le premier mort en Europe. C'était un touriste chinois mort à Paris. Il n’y avait qu’une dizaine de cas en France, à peine plus en Italie, mais les investisseurs prévoyaient déjà la catastrophe, et les bourses ont chuté pendant un mois. Jusqu’au 18 mars. Le 18 mars c’est le premier jour de confinement.

Le jours ou l’économie française s'arrête, et c’est pourtant le jour où la bourse de Paris commence à remonter. Elle a regagné 24% depuis. Les investisseurs ont pensé au début du confinement que le pire était passé.

L'exemple de la fausse bonne nouvelle du laboratoire Gilead

Un exemple de cet optimisme surement exagéré: les marchés boursiers ont fortement monté mercredi à l’annonce d’une nouvelle médicale.

Il était 14h30 quand le laboratoire Gilead a publié un court communiqué pour faire état de données positives sur un essai clinique de son antiviral le Remdésivir. Sans plus de détails.

Les médecins n’ont pas sauté au plafond, surtout qu’une étude récente chinoise avait conclu a l'inefficacité de ce médicament, mais les investisseurs eux y ont cru. L’action a aussitôt grimpé et entraîné le Dow Jones et le CAC 40.

Tout ça pour dire que l’ambiance générale est à l’optimisme et la tendance à la hausse. Et la hausse entraîne la hausse.

C’est ce qu’on appelle l’effet FOMO, “Fear of Missing Out.” Ça veut dire la “peur de rater le coche”. La bourse monte parce que les boursicoteurs parient qu’elle va monter.

Un jeu qui fait de nouveaux adeptes. 150.000 nouveaux investisseurs sont arrivés en France en mars. Plus jeunes que la moyenne de ceux qui mettent habituellement leur argent en bourse. Moins riches aussi. La moyenne de leur investissement est de 2.500 euros. Ils ont fait le pari qu'après la chute de février, la bourse ne pouvait que remonter.

"On va dans le mur, mais les investisseurs y vont la fleur au fusil"

Pourtant tous les économistes prédisent une terrible crise. Une des plus graves que le monde ait connu depuis 1945 !

C’est le paradoxe. 26 millions de nouveaux chômeurs aux Etats-Unis, les queues devant les soupes populaires. En France, un salarié sur deux au chômage partiel... On va dans le mur, mais les investisseurs y vont la fleur au fusil.

Mercredi à 14h30, juste après la fausse bonne nouvelle publiée par le laboratoire Gilead, est tombée une vraie mauvaise nouvelle. Très mauvaise. Le PIB américain, c’est a dire la richesse du pays, a reculé au premier trimestre de 4,8%. On s’attendait à 3,6. Très mauvaise nouvelle.

Les bourses pourraient continuer à gentiment monter pendant que l’économie réelle est au bord du gouffre

Comment ont réagi les marchés? Ils auraient dû accuser le coup, mais non. Dans la minute le Dow Jones a grimpé. Au nom d’un calcul cynique. Plus ça va mal, plus les Etats seront obligés d’intervenir, d’injecter tout l’argent qu’il faudra pour sauver les grandes entreprises cotées en bourses. C’est ce qu’explique le site cerclefinancier.com. Les banques centrales n’auront pas d’autre choix que d’imprimer des milliers de milliards de dollars dans les prochains mois.

C’est le principe de “Too big to Fail”. “Trop gros pour échouer”. Si une entreprise, un secteur économique ou même un pays est en difficulté, les marchés parient contre lui et il tombe. Mais si c’est le capitalisme en entier qui est danger, il est trop gros pour tomber.

Mercredi soir le patron de la banque centrale américaine, Jay Powell a dit qu’il avait encore toute une panoplie pour intervenir. Et que les taux restaient à zéro.

Christine Lagarde la patronne de la banque centrale européenne devrait tenir un discours identique ce jeudi à 14h. Et les bourses pourraient continuer à gentiment monter pendant que l’économie réelle est au bord du gouffre.

Nicolas Poincaré (avec J.A.)