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"Expliquez-nous": vers l'isolement des malades du coronavirus s'ils arrivent de l'étranger, comment ça marche?

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Le gouvernement a détaillé cette mesure dimanche soir. Il a notamment précisé que celle-ci ne s'appliquerait pas aux personnes arrivant de l'UE ou de Grande-Bretagne.

L'état d’urgence sanitaire va être prolongé jusqu’au 24 juillet. Le projet de loi du gouvernement prévoit notamment la mise à la mise à l’isolement des malades entrant sur le territoire français sauf s’ils arrivent de l'Union européenne ou de Grande-Bretagne. Cette dernière précision n’a été apportée que tard dimanche soir par l'Elysée. 

Le texte de loi présenté samedi en Conseil des ministres était pourtant très clair. Et les ministres de la Santé et de l'Intérieur l’avaient confirmé. La quarantaine obligatoire s’appliquait à tous ceux qui rentrent sur le territoire national, y compris en Corse et dans les départements DOM TOM, d'où qu'ils viennent. 

Cela concernait donc tous les étrangers qui arrivent en France, mais aussi les Français qui reviennent en France après un séjour à l’étranger. Les choses étaient ainsi jusqu'à ce que l’Elysée intervienne tard dimanche soir pour corriger le tir et exclure de la mesure ceux qui arrivent de l’espace Schengen, de l’Union Européenne et de Grande-Bretagne. 

Après un week-end de réflexion, l'exécutif a sans doute réalisé que les Français frontaliers n’allaient plus pouvoir se rendre tous les jours en Allemagne, en Suisse ou en Belgique pour travailler. Que les députés européens n’allaient plus pouvoir siéger à Strasbourg. Que les chauffeurs poid-lourds qui arrivent d’Espagne ou d’Italie avec des produits alimentaires n’allaient plus pouvoir franchir la frontière. Et ce ne sont que quelques exemples du pataquès européen que l'on s’apprêtait à mettre en place. 

Alors en quoi consistent ces isolements forcés ?

Ce sont des mesures de privation de liberté contre des malades du coronavirus au moment de leur entrée en France. S’ils présentent des symptômes de la maladie, ils seront placés à l’isolement contraint, avec interdiction totale de sortir. La décision sera prise par le préfet sur proposition du directeur de l’agence régionale de santé. C’est-à-dire par des autorités administratives, des fonctionnaires et non pas des juges. Le préfet devra s’assurer que la personne dispose d’un téléphone et d’un accès à internet pour garantir son droit de communiquer.

L’isolement durera 14 jours ou pourra être prolongé jusqu’à 30 jours après consultation du juge des libertés. Il sera organisé avec les moyens de l’Etat. C’est-à-dire que la personne isolée sera nourrie et logée. 

Cette mesure est donc très coercitive pour ceux qui entrent en France avec des symptômes de la maladie.

L’autre question est comment ça va se passer pour ceux qui arrivent en France sans ces symptômes. Pour eux, ce n’est pas l’isolement obligatoire, mais la quarantaine obligatoire. Qu’est-ce que ca veut dire ? Ce n’est pas encore précisé. Un décret devra définir ce qui sera possible ou pas pour une personne en quarantaine. Des sorties devraient être possibles pour se procurer les biens de premières nécessités.

Ces mesures d’isolement et de quarantaine obligatoire ont failli s’appliquer à tous malades du coronavirus. Une première version du projet de loi prévoyait d’appliquer l’isolement contraint toutes les personnes testées positives au Covid-19. Elles auraient été forcées de rester chez elles ou dans des chambres d’hôtel avec les même contraintes que les malades arrivant de l'étranger. Finalement, le gouvernement y a renoncé notamment parce qu’il n’était pas certain que ce soit constitutionnel et parce qu’une partie de la majorité n’était pas d’accord. 

Rassembler des données

Mais surtout pour une raison beaucoup plus pratique. On a jugé à Matignon que si l’on annonçait que toutes les personnes positives allaient être enfermées 14 jours, et bien certains pouvaient décider de ne pas se faire tester. Pour garder leur liberté de mouvement. Le gouvernement explique donc qu’il a préféré faire appelle au sens des responsabilités de chacun. “Le consentement doit primer” a estimé Edouard Philippe.

La loi sur l’urgence sanitaire permet aussi la création d’un fichier des malades. C’est l’article 6. Le gouvernement peut mettre en œuvre un système d’information, autrement dit, un fichier pour lutter contre l'épidémie. Dans ce fichier, on peut rassembler des données de santé et d’identification des malades et de leurs proches et de tous ceux qui les ont côtoyés, leurs collègues de bureau par exemple. Cela fait donc beaucoup de monde à qui l’on va poser des questions médicales et personnelles. Ces données seront ensuite partagées sans que l’on ait besoin du consentement des personnes intéressées. 

Nicolas Poincaré