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Faut-il lever les brevets sur les vaccins contre le Covid-19?

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"Expliquez-nous" - De plus en plus de voix demandent la levée des brevets sur les vaccins. En France, la question dépasse même les clivages politiques.

L’idée de faire des vaccins contre le Covid, un bien commun, qui n’appartiendrait donc plus aux laboratoires qui les ont mis au point, mais à tout le monde, fait son chemin. Cela reviendrait ainsi à autoriser n'importe quel pays à produire des vaccins sans se soucier des brevets.

Xavier Bertrand, candidat à la présidentielle a surpris en se prononçant sur BFMTV en faveur de la levée des brevets, “parce qu’il s’agit d’un fléau planétaire a-t-il dit, et que le vaccin est la solution planétaire”.

Cette position de Xavier Bertrand a aussitôt été saluée par Jean Luc Mélenchon, autre candidat à la présidentielle parce qu’il est vrai que la France Insoumise mène ce combat depuis longtemps. Le Parti communiste aussi, mais l'idée est également défendue par Philippe Juvin, médecin et élu local “Les Républicains”, par François Hollande, par Françoise Barré Sinoussi, prix nobel de médecine pour ne parler que du débat en France.

Et quelle est la position du gouvernement?

Elle est un peu ambiguë. Emmanuel Macron avait été le premier en juin dernier a dire que le vaccin devait être un bien public mondial. Mais depuis deux fois la France a voté contre une résolution de lever des brevets. Elle s’est opposé en octobre et en mars aux résolutions déposées notamment par l'Inde et l'Afrique du Sud à L’OMC, l’Organisation mondiale du commerce.

Dans une interview au “Financial times” en février, Emmanuel Macron avait estimé que la levée des brevets devait être une solution de dernier recours, à n’utiliser que si les laboratoires ne jouait pas le jeu, s’il organisait la pénurie pour faire de super profits. Ce qui n’est pas le cas, selon le président français.

La France, pour l'instant, préfère encourager les accords entre les laboratoires. Comme celui signé entre Sanofi et Pfizer qui fait du Français un sous-traitant de l’américain. Et qui permet de produire plus de vaccins en France, sans remettre en cause les droits Pfizer-Bio and tech.

Quels sont les arguments des uns et des autres?

On pourrait résumer le débat ainsi. Les uns disent : “Pas de profit sur les vaccins.” Les autres répondent : “Pas de vaccins, si pas de profit”. Le patron d'Astrazeneca, le Français Pascal Soriot explique que la propriété intellectuelle est essentielle dans l’industrie pharmaceutique. Les laboratoires investissent dans la recherche parce qu'ils savent qu’ils auront l’exclusivité de leurs découvertes pendant 20 ans. Si l’on supprime les brevets, dit Pascal Soriot, plus personne n’est incité à innover.

Et sans perspective de profit par exemple, les laboratoires ne seraient plus aussi motivés pour trouver les vaccins de demain contre les variants qui arriveront.

On peut entendre ces arguments, mais on peut aussi entendre ceux qui disent que les laboratoires ont pris très peu de risques financiers dans cette affaire. Ils ont reçu, 10 milliards de dollars de subvention pour financer leur recherche. L’argent public américain et européen a très largement financé la découverte des vaccins. Et par conséquent, il n’y a pas de raison pour que les laboratoires s’enrichissent pendant 20 ans. Puisque 20 ans, c’est la durée des brevets.

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Il y a une vingtaine d'années, on avait déjà eu le même débat à propos des traitements contre le sida. À la fin des années 90, plusieurs grands labos avaient enfin trouvé le traitement efficace avec des antirétroviraux. Mais ces nouveaux médicaments coûtaient entre 10 et 15.000 dollars par an et devaient être pris pendant plusieurs années. Résultat, le Sida est soudainement devenu une maladie qui se soignait très bien dans les pays riches, tout en restant une maladie mortelle en Afrique.

Devant cette injustice, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud avaient décidé de faire sauter les brevets et de produire ces médicaments à bas coût. S’en est suivi un incroyable bras de fer, d'interminables procès, et finalement tout le monde a fait des concessions. Et le coût des traitements est descendu à 300 dollars par an.

Il n’est pas impossible que l’on arrive à ce type d'arrangements sur le vaccin. Que les laboratoires propriétaires des brevets passent de plus en plus d’accord avec leurs concurrents pour que le vaccin soit produit massivement partout dans le monde. C’est déjà ce qui se passe en Inde qui est le deuxième producteur de vaccins AstraZeneca. Et qui depuis une dizaine de jours, a décidé de ne plus les exporter à cause de la gravité de la crise. En l'occurrence, la question des brevets ne change rien.

Nicolas Poincaré