Le manque de sommeil chez les enfants est un problème de santé publique

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Claire Leconte est chercheuse en chronobiologie, spécialiste des rythmes de l'enfant et de l'adolescent.
"Toutes les conférences que j'ai faites ces dernières années, et j'en suis quand même à 650, tournaient autour de cette question-là: le manque de sommeil chez les enfants est un problème de santé publique. C'est à la fois le manque de sommeil et aussi le sommeil à de mauvaises heures. On a une fâcheuse tendance à vouloir coucher les enfants trop tard.
Et également à s'amuser à constamment changer le mode de coucher. Dès qu'ils n'ont pas classe, on les couche trop tard. Cela dérégule complètement leurs horloges, ils n'ont plus un sommeil de qualité qui permet de récupérer comme ils en auraient besoin.
De plus en plus, les enfants ont la télé dans leur chambre. Les parents sont de moins en moins soucieux de ce besoin de sommeil, ils sont souvent persuadés que l'enfant récupérera s'il dort n'importe où. Cela provoque de la fatigue physique, tout bêtement. Mais il y a aussi des enfants qui perdent complètement leur capacité d'attention, qui se déconcentrent très vite. Cela a aussi des répercussions sur les apprentissages. Ça joue également sur la mémoire, puisqu'on sait que c'est en dormant que la mémorisation des informations nouvelles se fait. De plus en plus, on voit aussi des enfants qui sont énervés par manque de sommeil, ils peuvent devenir agressifs.
"Il faut éviter de truffer leur chambre d'appareils électroniques"
Les écrans sont à proscrire complètement. Il faut faire en sorte que la chambre ne serve qu'à dormir. Il faut éviter de la truffer d'appareils électroniques. Une étude américaine avait montré que chez les adolescents, selon le type de chambre dans laquelle ils dorment, leur qualité de vie n'était pas du tout la même. Ceux qui avaient des appareils allumés tout au long de la nuit avaient plus souvent des pathologies dépressives que ceux qui dorment dans des chambres nues, avec leur lit et rien d'autre.
Il faut proscrire les écrans au moins une heure avant l'endormissement. Le pire se sont les veilleuses qui renvoient des flux bleutés au plafond. Ça c'est terrible. Ce flux est le même que celui sur les écrans, ça trompe complètement l'horloge biologique majeure qui est derrière les yeux. Elle est persuadée qu'il fait encore jour. Elle n'envoie pas les bons messages aux autres horloges pour dire qu'il est temps de se mettre en route pour dormir.
"Selon les typologies, on n'a pas besoin d'autant d'heures de sommeil"
Il n'y a pas de règle générale à donner aux parents. Il faut apprendre à connaître les besoins de son enfant. Il existe de vraies différences interindividuelles. Dont une qui apparaît très tôt, avant un an: on est petit, moyen ou gros dormeur. Selon les typologies, on n'a pas besoin d'autant d'heures de sommeil. Mais l'heure de coucher doit se caler sur l'heure de réveil. Une fois qu'on a appris de combien d'heures l'enfant a besoin pour être vraiment en forme.
Il faut écouter son corps, repérer les signes de fatigue et d'endormissement. En fin de journée, à un moment souvent identique chaque jour, l'enfant va dire 'j'ai froid'. On a tendance à lui dire de prendre une couverture. Non, ce 'j'ai froid' signifie souvent qu'on arrive à l'heure où on va s'endormir rapidement. On ne peut pas forcer quelqu'un à dormir, par contre on peut l'aider à trouver le bon moment pour s'endormir. Quand on laisse passer cette fenêtre de tir, on va se coucher à la mauvaise heure".