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Même des petites phrases qui paraissent anodines peuvent blesser un enfant

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- - CC - Flicr - Francisco Osorlo

"Tu es nul!". "Ta sœur est mieux que toi". "Je n'aurais pas dû faire d'enfants!"… Pour la première fois, deux associations lancent ce mardi une campagne de prévention contre les "mots qui blessent". Des violences verbales qui peuvent avoir le même impact que des violences physiques, explique sur RMC.fr une membre du Haut conseil à l'enfance.

Maud Alenjandro est membre du Haut conseil de la famille, de l'enfance, et de l'âge (HCFEA). Elle est également chargée de communication pour l'Observatoire de la violence éducative ordinaire (Oveo) et Stop VEO, Enfance sans violences.

"Depuis des générations la société véhicule l'idée, à tort, que pour bien élever les enfants il faut recourir à certains moyens coercitifs – punitions, chantages, menaces, humiliations… Nous voulons faire changer cette idée reçue. On limite souvent les châtiments corporels aux coups, tapes, fessées… Or, même de petites phrases qui nous paraissent anodines peuvent blesser et marquer un enfant, dans sa confiance, dans sa manière de voir le monde et dans sa relation avec les autres. On a observé plusieurs incidences: baisse de l'estime de soi, obésité, eczéma, suicide, conduite addictive, délinquance, dépression, toxicomanie.

"Les gens pensent que c'est normal puisque c'est ce qu'ils ont vécu"

Ces phrases qui blessent, qui humilient, c'est par exemple: 'J'en ai marre de toi! Tu es nul! Regarde, lui il sait bien faire de la trottinette! Je ne veux plus te voir, je ne te parle plus!'. Cela peut être aussi des phrases comme: 'relève toi ça ne fais pas mal. Arrête de pleurer pour rien!'. Il faut être dans l'empathie, dans l'apprentissage. Il faut respecter l'enfant en accueillant et en légitimant ses émotions. C'est comme si on parlait mal à son patron ou son collègue. On ne le fait pas, c'est interdit et on peut porter plainte si on le fait. Donc cela devrait être pareil pour l'enfant, d'autant plus qu'il est vulnérable et dépendant de nous.

On veut qu'il y ait une prise de conscience parce que les gens ne perçoivent pas ce qu'ils font comme étant de la violence. Ils pensent que c'est pour le bien de l'enfant. Les gens pensent que c'est normal puisque c'est ce qu'ils ont vécu. Là, ils feront autrement. Et dans deux générations, on aura des gens qui auront vécue dans un autre contexte.

"Il faut se débarrasser de la théorie de l'enfant roi"

Je réfute les critiques sur l'enfant roi. C'est une théorie dont il faut se débarrasser. Actuellement on en est loin puisqu'il y a en France 85% d'enfants qui sont frappés. On a vraiment des enfants soumis à la violence éducative. C'est comme l'idée du caprice: l'enfant n'est pas en capacité de raisonner avant l'âge de 6 ans. Il n'y a pas de 'caprice' mais l'expression d'un besoin non satisfait: avoir faim, soif, sommeil, avoir besoin d'attention ou d'amour… C'est incroyable qu'on reste sur cette théorie de l'enfant roi qui ne sert qu'à évacuer le sujet."

Propos recueillis par Philippe Gril