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Santé

Lutte contre la soumission chimique: l'ANSM veut des mesures innovantes pour protéger les victimes

La soumission chimique consiste en l'administration de substances psychoactives à un individu, souvent une femme, à son insu, à des fins notamment d'agression et de viol

La soumission chimique consiste en l'administration de substances psychoactives à un individu, souvent une femme, à son insu, à des fins notamment d'agression et de viol - FRANCK FIFE © 2019 AFP

Selon la dernière édition de l'enquête annuelle "soumission chimique", le nombre de signalements de cas suspects de soumission chimique est passé de 727 en 2021 à 1.229 en 2022. L'ANSM réagit et veut de nouvelles mesures.

Quelques jours après la fin du procès des viols de Mazan, l'Agence nationale de sécurité du médicament communique sur la soumission chimique. C'est ce qu'a subi par exemple Gisèle Pélicot, assomée d'anxiolytiques et violée pendant 10 ans par son mari et 50 autres hommes. Mais la soumission chimique peut aussi se faire à des fins de vols ou de violences physiques.

Si le nombre de cas reste difficilement quantifiable, la dernière étude annuelle réalisée montre une augmentation exponentielle des signalements suspects (+ 69,1% sur un an): 1.229 en 2022, contre 727 en 2021, et 539 en 2020.

Face à un enjeu de santé publique, l'ANSM a annoncé hier un travail avec les laboratoires, pour réduire le risque de détournement de médicaments. L'idée est qu'ils modifient les médicaments à risques de soumission chimique (les anxiolytiques, les sédatifs ou les antidépresseurs). Ceux qui existent déjà et ceux qui pourraient être créés.

Limiter le détournement des médicaments

Comme elle l'indique à BFMTV, l'ANSM va "demander, dès le début du mois de janvier 2025, aux laboratoires titulaires d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments à risque de soumission chimique de mettre en place des mesures pour limiter leur détournement".

L'organime veut, par exemple, y ajouter du colorant ou une texture inhabituelle, un goût ou une odeur particulière et identifiable pour qu'ils puissent être reconnus.

"Nous travaillons également à des solutions à long terme pour que les nouveaux médicaments qui seront mis sur le marché intègrent d'emblée ces caractéristiques permettant de rendre leur détournement plus détectable", ajoute l'Agence.

Un premier pas, salue Sophie Tellier, médecin légiste à La Maison des femmes de Saint-Denis: "Ca fait partie des mesures dont on peut se réjouir mais qui restent à compléter".

"Une amertume on peut la couvrir, colorée dans du coca, ça peut ne pas se voir. C'est une solution mais pas infaillible", détaille-t-elle.

Plus de sensibilisation

Les médicaments c'est presque 60% des cas de soumission chimique, souligne-t-elle. Restent les drogues de synthèse comme la cocaïne, ou même l'alcool, moins accessibles.

"Il y a un autre sujet sur lequel sensibiliser, c'est de ne pas faire de stock chez soi. Normalement, on devrait avoir une délivrance pour le nombre de jours qu'on est censé utiliser, pas au-delà", milite Sophie Tellier.

Elle insiste: il faut poursuivre la sensibilisation. En passant par l'écoute et le travail d'orientation des victimes vers des centres d'analyses adaptés. L'ANSM a aussi sollicité ses homologues européens pour partager les bonnes pratiques.

Lancée mi-octobre, la plateforme téléphonique du centre d'addictovigilance de Paris reçoit déjà bon nombre d'appels de femmes redoutant d'avoir été droguées ou de médecins craignant d'avoir mal diagnostiqué une soumission chimique. Le 25 novembre, Michel Barnier, alors Premier ministre, a par ailleurs annoncé le remboursement par l'Assurance maladie de kits de détection "dans plusieurs départements", à titre expérimental.

SG avec Marion Gauthier