RMC
Santé

"Mon angoisse n'est pas de savoir si l'ambulance va arriver à temps, c'est comment je vais payer": une patiente dénonce la facturation des transports d'urgence

placeholder video
RMC S'ENGAGE POUR VOUS - Souffrant de troubles cardiaques, Véronique est obligée d'appeler le Samu à chaque crise. Mais le CHU d'Annecy lui a plusieurs fois fait payer la facture. Et il y en a pour plus de 1.500 euros.

Véronique Garcia vit à Annecy, en Haute-Savoie. Elle est atteinte d'une mastocytose, une maladie caractérisée par la présence en trop grand nombre d'une sorte de globules blancs dans les tissus. À cause de cette maladie, elle fait régulièrement des arrêts respiratoires, c'est-à-dire qu'elle n'effectue plus les fonctions de ventilation liées à la respiration: l'apport d'oxygène aux cellules n'est plus effectué. Si rien n'est fait, la personne meurt d'asphyxie dans les quelques minutes qui suivent. C'est donc une urgence vitale. Véronique a subi plus de 25 arrêts respiratoires en deux ans. À chaque arrêt, le SAMU envoie un véhicule du SMUR, une ambulance avec du matériel de réanimation et un médecin réanimateur. La patiente pense que tout est pris en charge. Mais un jour, Véronique reçoit une facture, puis une autre, et encore une autre : au total, plus de 1.500 euros. 

"C'est la double peine. Vous êtes malade. Vous avez besoin du SMUR. Mais mon angoisse, ce n'est pas de savoir s'ils vont arriver à temps, c'est de me demander s'il m'arrive quelque chose, comment je vais payer. Trois interventions du SMUR, c'est quasiment un salaire. Le service facturation de l'hôpital me dit que 'ce n'est pas juste mais moi je n'y peux rien, demandez au directeur'. Le directeur se vante lui d'avoir remonté les comptes de l'hôpital. C'est sûr qu'il peut remonter les comptes mais c'est au détriment des patients. Je trouve ça injuste. L'hospitalisation, les soins pour tous, c'est un mensonge ça. C'est un vrai mensonge", assure-t-elle à RMC.

Pas de remboursement rétroactif

La facturation des transports sanitaires ne dépend pas de la sécurité sociale mais des hôpitaux, qui reçoivent une dotation de l'Etat pour les financer. Depuis le premier janvier 2021, la loi interdit formellement de facturer les transports d'urgence aux patients, mais avant cette date les pratiques étaient très hétérogènes. Certains établissements comme le CHU d'Annecy faisaient payer les factures du SMUR aux patients.

Contactée par RMC, la direction de l'hôpital n'en démord pas : "Le dossier de Madame Garcia est en cours de traitement. Elle peut faire appel au SAMU et au SMUR sans crainte car les transports ne sont plus facturés depuis le 1er janvier 2021", explique l'hôpital. Mais la direction du CHU refuse toujours de rembourser à Véronique les autres factures, celles émises avant cette date du 1er janvier. La patiente a même reçu un appel du service facturation lundi soir, lui demandant de payer une autre facture du SMUR datée de 2017.

Un autre cas

Pourtant, une autre patiente, dans la même situation que Véronique il y a quelques années, avait fait reconnaître par un tribunal administratif l'illégalité de la facturation des services d'urgence. Fin juin 2017, Eva Fischer avait été secourue par le Samu après une chute en parapente. Six mois plus tard, elle recevait une note de l'hôpital: 1300 euros. Juriste, Eva Fisher avait réussi à faire annuler la facture en justice.

"C'est complètement illégal. Les hôpitaux ne doivent jamais faire payer les interventions du SMUR. Le Conseil d'Etat a jugé cela le 8 février 2017 et il a jugé que tout ce qui relève de l'aide médicale d'urgence doit être financé par une dotation publique, donc un budget mis à disposition des hôpitaux par le ministère", assure Eva Fischer.

Comme Eva Fisher est juriste, elle a accepté d’aider Véronique à saisir elle aussi la justice pour faire annuler ses factures et enfin obtenir un remboursement. Même si évidemment, vu son état de santé, Veronique aurait aimé éviter d’en passer par là. 

Le ministère des Solidarités et de la Santé, contacté par RMC, assure avoir "pleinement conscience des difficultés de Madame Garcia": "Nous lui suggérons de s’adresser à la direction de l’établissement concerné et, le cas échéant, leur commission des usagers pour leur faire part de son mécontentement et faire valoir ses droits". De plus, le ministère s'engage à "prendre attache avec l’agence régionale de santé et l’établissement concernés afin de mieux comprendre la situation".

Marie Dupin et Benoît Ballet