Pénurie d'orthophonistes: le désespoir des parents, qui attendent jusqu'à deux ans pour un rendez-vous

Les assises de la pédiatrie se tiennent ce vendredi 24 mai, après plusieurs reports. 16 mesures et 80 "actions concrètes" seront présentées par les ministres délégués à la Santé, Frédéric Valletoux, et chargée de l'Enfance, Sarah El Haïry. L'idée avait été lancée par François Braun en décembre 2022 après la triple épidémie qui avait engorgé les urgences pédiatriques (Covid, grippe et bronchiolite).
Ces mesures se basent sur un rapport de l’ancien secrétaire d’État à l’enfance Adrien Taquet et de la pédiatre Christèle Gras-Le Guen. Bouclé le 21 juin 2023, il n'a été remis au ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, que le 23 avril 2024, et rendu public le 29 avril.
Que contient ce plan?
Le plan contient en premier lieu de la prévention, avec des rendez-vous obligatoires pour tous les enfants: 20 au total, dont un examen à l'âge de 6 ans pour détecter d'éventuels troubles du développement intellectuel, du langage ou de la vision.
Ensuite ce plan propose un meilleur accès aux soins, avec par exemple un accès facilité aux consultations d'orthophonistes. Plus besoin d'un rendez-vous préalable chez le médecin traitant. Autre mesure: le vaccin contre la bronchiolite, réservé aux hôpitaux l'hiver dernier, sera désormais accessible en médecine de ville.
Les parents sont aussi concernés par ce plan avec un entretien systématique après l'accouchement intégralement remboursé pour prévenir la dépression post partum.
Le gouvernement veut aussi mieux former et davantage de professionnels à la santé de l'enfant. Il y aura ainsi une augmentation de 50% des places en médecine pédiatrique d'ici 2030, et une spécialisation en soins infirmiers pour les enfants au plus tard à la rentrée 2027.
Pourquoi une facilitation de l'accès aux orthophonistes?
Ce plan prévoit ainsi de faciliter l'accès aux orthophonistes, sans passage au préalable par un médecin traitant. Face aux besoins croissants dans cette branche, le plan prévoit une augmentation du nombre de places de formation pour cette spécialité de 10% dès 2025 à 50% en 2030. Un plan qui promet aussi des revalorisations pour ces professionnels intervenant dans les établissements publics, car les orthophonistes désertent la fonction publique hospitalière pour exercer en libéral (-18 % au niveau national entre 2013 et 2021).
En attendant, les parents attendent parfois depuis plusieurs années une place chez un orthophoniste. Un véritable calvaire dû à une pénurie de spécialistes. Cela fait par exemple deux ans que Jackie attend un rendez-vous chez un orthophoniste pour sa fille de 7 ans, qui souffre d’un problème d’articulation. "J'ai passé environ 70 appels sur plusieurs villes mais ils n'ont pas de place. Ma fille elle-même se rend compte qu'elle a des soucis donc ça me fait mal par rapport à ça", témoigne-t-elle à notre micro.
Et l’attente se prolonge sans le moindre diagnostic d’un professionnel, ne serait-ce que pour rassurer, prendre les devants sur une éventuelle pathologie. En attendant, les problèmes scolaires s’aggravent et Gueladio, son père, se sent impuissant. "Sur le long terme, on ne sait pas ce que ça va donner, est-ce que ça va s'empirer? C'est l'interrogation en permanence", souffle Gueladio, son père.
"Vous remettez limite la faute sur vous en tant que parents. On se dit qu'on n'a peut-être pas fait le nécessaire, qu'on n'a pas assez cherché, pas assez appelé... C'est le parcours du combattant", résume-t-il.
"C'est frustrant car on a fait le choix d'être soignant et on ne soigne pas"
L’orthophoniste du secteur est débordée de travail. "J'annonce deux ans avant de pouvoir voir les enfants", concède Sophie Lagrange, qui a le sentiment de ne pas pouvoir faire correctement son métier.
"On a de plus en plus d'enfants qui nous sont adressés avec des pathologies qui durent pendant de nombreuses années et nous, on n'a pas de turn-over. C'est frustrant car on a fait le choix d'être soignant et on ne soigne pas", lance-t-elle.
"On laisse les gens malades sans pouvoir intervenir", se désespère-t-elle.
Pour qu’il y ait plus de roulement dans son cabinet, elle souhaiterait qu’il y ait davantage de recrutement d’orthophonistes dans les hôpitaux pour s’occuper des cas les plus graves.