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Réforme du Code du travail: "C'est le médecin du travail qui m'a sauvée"

Une feuille de soins, une carte d'assurance maladie, un stétoscope et un tensiomètre dans un cabinet médical (image d'illustration)

Une feuille de soins, une carte d'assurance maladie, un stétoscope et un tensiomètre dans un cabinet médical (image d'illustration) - Philippe Huguen-AFP

TÉMOIGNAGE – Barbara a 56 ans et a frôlé le burn-out. C'est lors d'une consultation avec son médecin du travail que cette maladie a été détectée. In extremis. Le professionnel de santé a pu aider la salariée à prendre conscience de sa pathologie et à se faire soigner.

Elle a été sauvée par son médecin du travail. Au bord du burn-out, Barbara, 56 ans, remercie aujourd'hui ce professionnel qui l'a orientée à temps.

"On peut dire que c'est le médecin du travail qui m'a sauvée, confie-t-elle pour RMC. Je lui ai parlé de mon mal-être. J'étais très mal depuis un moment, je n'avais vraiment pas le goût de vivre, je n'avais envie de rien faire, même pas de rencontrer des amis. J'étais vraiment dans le trou noir et le médecin du travail m'a suggéré de consulter ou de voir un psychologue. Toute seule, je n'aurais jamais fait la démarche de consulter un psychiatre."

Une visite tous les cinq à six ans

Alors que le projet de loi contesté de réforme du droit du travail a été présenté ce jeudi en conseil des ministres, les dispositions concernant la médecine du travail pourraient également être modifiées. Un changement qui vise à "mieux cibler les moyens sur les salariés à des risques particuliers". Des moyens en baisse: aujourd'hui, il n'y a plus que 5000 médecins du travail, contre 6000 en 2006. Et d'ici une quinzaine d’années, ce chiffre pourrait même être divisé par deux - quelque 40% d'entre eux ont plus de 60 ans. Difficile ainsi d'assurer les visites médicales obligatoires, une tous les deux ans, des 17 millions de salariés.

Le texte créerait deux catégories de salariés. Pour ceux exposés à des risques, comme les ouvriers du BTP, de l'industrie chimique, les chauffeurs de bus ou de trains, le suivi serait renforcé. Les salariés en CDD ou en intérim pourraient être également mieux suivis.

En revanche, les visites seraient moins fréquentes pour l'ensemble des travailleurs, avec une première simple "visite d'information et de prévention" assurée non pas par un médecin, mais par une équipe pluridisciplinaire, composée par exemples d'infirmiers. La périodicité de leurs consultations pourrait être espacée de cinq à six ans.

"On ne pourra plus voir émerger les nouvelles maladies"

Avec cette réforme, Bernard Salengo, président du syndicat des médecins du travail craint de ne plus pouvoir suivre les salariés ordinaires comme Barbara. Pour lui, ce n'est que le début d'une médecine à deux vitesses.

"Toute ma carrière, j'ai essayé de protéger les salariés. Et là, on nous demande de faire l'inverse, s’inquiète-t-il pour RMC. On ne verra plus que 20 à 30% des salariés régulièrement. Et les autres, on n'aura qu'une vision tous les cinq, six ou dix ans. Ce qui fait qu'on ne pourra plus voir émerger les nouvelles maladies. Par exemple, en fonction des nouveaux produits chimiques, des nanomatériaux, des risques pyscho-sociaux, du burn-out. Tout ça, on ne pourra plus le voir parce que ce n'est pas étiqueté comme un risque particulier." 

"Des salariés sauvés par leur médecin du travail"

Même constat pour Sylvie Brière, présidente de l'association France prévention. Ce serait, selon elle, une grosse erreur d'espacer ces consultations.

"J'ai rencontré des salariés qui ont été sauvés grâce à des entretiens avec leur médecin du travail, explique-t-elle pour RMC. Lorsqu'ils connaissent bien leurs employés qu'ils ont en face d'eux, souvent les médecins du travail détectent des maladies qui ne sont pas révélées. Cela peut être un cancer, des maladies pulmonaires, des baisses d'acuité visuelle, de l'hypertension. Tous les cinq ans, je pense que c'est ne plus connaître son patient, ne pas faire un travail de fond et de suivi. Dans beaucoup d'entreprises, c'est extrêmement essentiel, surtout dans des métiers à risques et exposés."

Alors que les étudiants et lycéens se mobilisent à nouveau ce jeudi, une nouvelle journée de manifestations est prévue le 31 mars.

C.H.A. avec Camille Dahan