Scandale des maisons de retraite Orpea: "Le système financier a permis à un petit nombre de directeurs de s’enrichir extrêmement"
Orpéa, le numéro un mondial des Ehpad, est dans la tourmente. Le groupe est accusé de graves manquements dans l’hygiène et la prise en charge médicale des pensionnaires âgés, pour améliorer la rentabilité des établissements. Dans son livre "Les Fossoyeurs", le journaliste Victor Castanet, évoque des personnes âgées alitées toute la journée, des repas et des couches rationnés, sacrifiées sur l’autel de la rentabilité.
"Ce sont des financiers, ce ne sont absolument pas des gens qui ont un intérêt quelconque dans la prise en charge des personnes âgées", assure à RMC Patrick Métais, ex-directeur médical de la branche clinique du groupe Orpéa. "Ces financiers ont pour objectif de diminuer les dépenses au maximum, notamment de personnel. Ils ont pour objectif de diminuer les quantités de soins, de surveillance, d’alimentation ou de protection, pour que le coût soit le plus bas possible, afin de réaliser le plus de bénéfices", assure-t-il.
Ces objectifs de rentabilité exacerbés auraient profité à un petit nombre, assure ce mercredi sur RMC Franck, qui a travaillé quelques années chez Orpéa comme directeur de plusieurs maisons de retraite: "Ce côté financier est incroyable. Tout est fait pour rationaliser les coûts. Ce système financier lourd a permis à un très petit nombre de personnes dans ce groupe de s’enrichir extrêmement".
Des séminaires de direction à 1 million d'euros, les repas des pensionnaires limités à 4,50 euros
Il en veut pour preuve la vente en janvier 2020 par Jean-Claude Marian, directeur général d’Orpéa à l’époque, de certaines de ses actions dans le groupe pour 320 millions d’euros: "Il y a un enrichissement des têtes pensantes de ce groupe, alors que les personnes âgées doivent manger pour 4,50 euros par jour".
"L'hiver ,pendant les épidémies de gastro-entérite, quand il n'y avait plus de couches, on devait attendre la commande du mois suivant", assure Jean, qui a travaillé comme sous-traitant dans des Ehpad du groupe. "Certains chefs cuisiniers ont été sanctionnés après avoir refusé de rationner" ajoute-t-il.
De son côté, Franck, l'ancien directeur, rappelle que les salaires sont payés avec de l’argent public: "Ce sont des fonds publics d’Etat. Les salaires des infirmières, des aides-soignantes, sont des fonds publics d’Etat. Ce que les personnes âgées donnent, c’est pour leur environnement. C’est ce qu’ils appellent l’hébergement".
"Le système est incroyable. Ces directeurs de maison de retraite sont pressés au quotidien. Ils doivent faire du rendement. Comment voulez-vous qu’à la fin on ait une prise optimale? Ce n’est pas possible", ajoute Franck. "Il y a pourtant tellement d’argent. J’ai participé à des séminaires en Grèce, en Espagne, au Portugal, où l’on partait avec 3-4 avions entre directeurs. Ce sont des séminaires qui coûtaient 1 million d’euros pendant que des personnes âgées mangeaient pour 4,5 euros par jour et que le personnel soignant en souffrance, tentait de les soigner".
La direction d'Orpéa convoquée sur demande d'Olivier Véran
Face à la tempête, le groupe Orpéa nie pourtant toutes ces accusations: "Nous travaillons dans un métier humain. Il peut y avoir des erreurs parce que l’erreur est humaine. Mais je démens la moindre restriction et le moindre rationnement, cela ne correspond ni à nos directives, ni à nos valeurs", assure à RMC Jean-Christophe Romersi, directeur général d'Orpéa France.
Des propos que dément pourtant Franck: "Il connaît très bien ce système et il le cautionne. Jean-Christophe Romersi a évolué au sein de la chaîne, il a d’abord commencé comme directeur avant de devenir directeur général et de monter dans les strates du groupe. Il sait très bien qu’il faut faire du chiffre. C’est une machine infernale qui ne s’arrête jamais", conclu-t-il.
Devant le tollé, le gouvernement a décidé d'agir. Brigitte Bourguignon, la ministre déléguée en charge de l'Autonomie, va convoquer le directeur général d’Orpéa dans les plus brefs délais, sur demande d'Olivier Véran.
>> A LIRE AUSSI - "Des patients restent alités toute la journée parce qu'on n'a pas assez de personnel": Orpéa et Korian, géants des Ehpad, accusés de maltraitance