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Ehpad sanctionnés: "Il y aura toujours des maltraitances" sans plus de personnel, juge Victor Castanet

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Trois ans après le scandale des Ehpad, un vaste plan de contrôles a permis d'identifier des structures problématiques. 55 ont écopé "de sanctions graves", d’après la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq. Mais selon Victor Castanet, l'État ne s'attaque pas au vrai problème.

Lancé en 2022 en réponse au scandale Orpea pour "recréer la confiance", le vaste plan de contrôles des Ehpad français a permis d'identifier 55 structures particulièrement problématiques, qui ont écopé de "sanctions graves", selon la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq.

"Il a été décidé soit la fermeture immédiate de l'établissement soit la mise sous tutelle pour des faits graves de maltraitance, de dysfonctionnements importants, de problèmes de prise en charge des soins" des personnes âgées, a fait savoir la ministre de l'Autonomie, dans le cadre d'un débat Au coeur des Ehpad, de l'indifférence à l'action mardi soir sur France 2.

Victor Castanet estime ce mercredi matin sur RMC au micro d'Apolline Matin, que ces "mesures chocs" ne régleront pas toutefois "les problèmes structurels du secteur". "Il y a un problème politique [...] sur les ratio de personnels. Il n'y a pas assez de personnels en France parce que l'État ne finance pas assez ce secteur", se désole le journaliste.

"On est à 6 soignants pour 10 pensionnaires. Dans les pays du Nord de l'Europe, on est à 10-10. Tant qu'il n'y aura pas ces augmentations de ratio de personnels, il y aura des maltraitances", appuie Victor Castanet.

Des centaines d'autres établissements visés

Le débat télévisé sur France 2 mardi soir a été diffusé après le documentaire Les fossoyeurs: au coeur du scandale des Ehpad, adapté du livre-enquête du journaliste Victor Castanet. Ce dernier rappelle par ailleurs ce matin sur RMC que d'autres établissements ont été épinglés: "Il y a 55 établissements qui soient vont être mis sous tutelle ou vont fermer. Il y a aussi des centaines d'établissements sur lesquels il y a des injonctions. Il n'y a pas eu de fermetures mais c'est aussi des situations de dysfonctionnements graves qui peuvent entraîner de la maltraitance."

En janvier 2022, la publication de ce livre, "Les Fossoyeurs", avait déclenché un scandale de grande ampleur en dévoilant des cas de malversations financières et de maltraitances de personnes âgées dans certains établissements du groupe Orpea (rebaptisé depuis Emeis).

Face à l'émotion, le gouvernement de l'époque avait annoncé que les 7.500 Ehpad de France seraient contrôlés d'ici deux ans et contraints à davantage de transparence quant à leurs prestations et leur utilisation des fonds publics. Fin décembre 2024, 96% de ces établissements avaient été contrôlés, a rapporté Charlotte Parmentier-Lecocq dans l'émission. Chargées des contrôles, les agences régionales de santé (ARS) "sont allées pour un tiers sur sites", en "priorisant ceux pour lesquels il y avait des éléments de doute ou d'alerte".

Un manque de financement ?

Les ARS ont également contrôlé "sur papier, sur la base d'éléments que doivent fournir les Ehpad en termes de chiffres, en termes de turn over (de personnel, ndlr), la présence de salariés, les arrêts maladies, les problématiques de soins, les événements graves, et qui ont pu parfois déboucher sur un contrôle", a-t-elle ajouté.

"Il faut remettre de la transparence dans le système, il faut retrouver la confiance", insiste la ministre. "Si on n'a pas cette transparence, on ne répond pas aux attentes des familles et des proches. Et au passage sont salis tous les établissements et les professionnels qui font bien leur travail, que ça démobilise et démotive alors que ce sont des métiers précieux dont on a besoin", ajoute-t-elle.

Depuis le scandale, des mesures pour renforcer les contrôles ont été annoncées, dont certaines figurent dans la "loi sur le bien vieillir". Adopté en 2024, ce texte prévoit notamment la mise en place d'indicateurs de qualité concernant la manière dont les résidents sont pris en charge. Les Ehpad sont en outre désormais tenus de suivre des règles en matière de nutrition, sur la qualité nutritionnelle comme la quantité.

Parallèlement, une stratégie nationale 2024-2027 de lutte contre les maltraitances a été lancée, avec l'objectif de sortir de l'"omerta" face aux maltraitances parfois subies par des personnes âgées, handicapées ou précaires dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

Des établissements en déficit

L'auteur de l'enquête "Les Fossoyeurs" juge ce mercredi que ces mesures insuffisantes et mal orientés. "Il y a aujourd'hui 2/3 des établissements qui sont en déficits, publics, privés ou associatifs. Quand vous êtes en déficit, qu'est-ce qu'il se passe ? Quand vous avez 50.000, 100.000 euros de déficit, vous allez rogner sur un poste, administratif, dans le nettoyage."

Et selon lui, "le problème ne va faire que s'accentuer" à cause du vieillissement de la population. "On est face à une évolution démographique très forte, où dans quelques années il y aura plus de personnes de plus de 75 ans que de moins de 15 ans."

Trois ans après le scandale Orpea, "l'Etat ne propose à ce stade aucune solution pour accroitre le nombre de professionnels et enfin assurer des services à la hauteur des attentes des personnes âgées et de leurs familles", a estimé l'association dans un communiqué publié lundi.

S.L avec TRC