Tampons: "personne ne s'est questionné sur le sujet, pour le plus grand bonheur des industriels"

- - AFP
Audrey Gloaguen est réalisatrice du documentaire Tampon, notre ennemi intime, ce mardi soir à 20h50 sur France 5:
"On a décidé de lancer cette enquête il y a un an et demi après la mise en ligne de la pétition de Mélanie Doerflinger qui réclamait la transparence sur la composition des tampons. On s'est dit que c'était incroyable que rien ne soit indiqué sur les boîtes.
Et plus on fait des recherches, plus on découvre des trucs incroyables. Moi j'ai découvert que c'était un territoire où tout était à faire. C'est incroyable parce que les femmes utilisent ce produit depuis les années 60 et personne ne s'est intéressé à cette question. On aurait dû s'en préoccuper avant!
J'ai compris pourquoi quand j'ai rencontré Chris Boble, une prof de genre aux Etats-Unis et qui enseigne la menstruation - oui c'est possible aux Etats -Unis. Elle m'a raconté que le tampon ne pouvait pas être compris si on ne comprenait pas le tabou autour des règles. Les consommatrices ne sont pas demandeuses de ces informations car la question est taboue. Quand on demande un tampon entre filles, c'est comme si on s'échangeait un gramme de coke, alors que c'est quelque chose de naturel. Mais c'est un problème d'image, les femmes doivent être propres sur elles, si on une tâche c'est horrible… C'est pour cela que les scientifiques ou les journalistes ne se sont pas questionnés pendant tout ce temps, pour le grand bonheur des industriels.
La plupart des tampons conventionnels sont fait en majorité de synthétique, en viscose plus précisément, une matière issue de la pulpe de bois. C'est quand même un gros problème puisque c'est précisément le synthétique qui provoque les chocs toxiques. Ce n'est pas pour rien que les tampons bio sont en coton.
Ensuite sur la façon dont ils sont faits, on s'aperçoit que certains tampons, il y a une espèce de voile en plastique que l'on peut même retirer. Mais ce n'est pas à moi de dévoiler la composition des tampons, ce sont aux industriels. S'il y a du phtalate dans le tampon, c'est qu'il y a du plastique. Je ne suis pas apprenti sorcier. J'ai sollicité le syndicat des fabricants de tampons qui m'a répondu que le documentaire n'était pas un format de communication qui leur paraissait nécessaire. Il faut arrêter ce secret industriel et légiférer pour les y obliger.
"Il est urgent de faire des études d'impact"
Et ce n'est que le début du chemin. Maintenant tout reste à faire. On sait qu'il y a des dioxines et des phtalates dans les tampons, il est urgent de faire des études d'impact comme on le fait sur beaucoup de produits qui nous entourent.
Une chercheuse canadienne a pointé le lien entre le taux de phtalate dans le sang et la probabilité accrue de faire des fausses couches ou d'être infertile. Quand je lui ai dit qu'on avait retrouvé du phtalate dans les tampons, elle a eu les cheveux qui se sont dressés sur la tête.
Je ne peux pas dire que ce sont les tampons qui provoquent des fausses couches, mais il y a quand même des warnings. Il faut faire un travail scientifique sur le long terme comme on le fait pour d'autres produits et savoir ce que peuvent provoquer les phtalates et les dioxines dans les tampons. Il faut sortir du tabou et arrêter de ricaner à moitié quand on parle de tampons. Les femmes y sont exposées dès leur plus jeune âge. C'est un vrai sujet".