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"C'est le consommateur qui paie": la possible taxe sur les poids lourds empruntant l'A1 fait débat

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Afin d'inciter les transporteurs de marchandise à faire la transition vers le fret ferroviaire ou fluvial, le gouvernement souhaiterait taxer les poids lourds qui empruntent l'autoroute A1, dans le nord de la France.

Taxer les poids lourds sur l'autoroute... Ce serait l'un des projets dans les cartons du gouvernement. L'initiative concernerait plus précisément les Hauts-de-France et l'autoroute A1, d'après une information du Courrier Picard publiée dimanche.

Le but est d'accélérer la transition écologique : taxer la circulation des camions sur l'autoroute pour pousser les transporteurs du Nord à acheminer progressivement leur marchandise via le canal Seine-Nord Europe : un immense projet de canal en cours de construction reliant les ports de la Manche, la Belgique et l'Ile-de-France.

Cette taxe servira aussi, et surtout, à financer le surcoût du chantier de ce canal qui nécessite encore 1,6 milliard euros de financement. Le canal Seine-Nord Europe fera 107 km de long quand il sera complètement mis en service.

Il aura pour but de faciliter le transport de marchandises en dehors des moyens routiers, alors que l’Union européenne s’est fixé l’objectif d’atteindre un report modal de la route vers le ferroviaire, ou le fluvial, de 30% d’ici à 2030, et de 50% d’ici à 2050. En France, d'après un rapport du Sénat datant de 2021, la route représente encore 75% du transport de marchandises en France.

"C'est impossible"

Si le projet semble donc aller dans le sens d'une réelle accélération de la transition écologique, les principaux concernés, eux, remettent en doute l'efficacité réelle de ce projet de taxe.

Sur une aire de repos de l'autoroute du Nord, assis à l'avant de son camion, Yvan finit sa deuxième pause de la journée. Celui qui se décrit comme "routier international depuis 34 ans, est loin d'être étonné du projet.

"Ça fait 34 ans que j'en entends parler", affirme-t-il de façon plutôt laconique. Sauf qu'il transporte de la viande, alors mettre son camion sur un bateau, pour lui, "c'est impossible".

"Ce sont des transports sécurisés, il y a des normes d'hygiène qu'eux ne sont pas capables de respecter", explique Yvan, le chauffeur routier international.

Du côté de Dominique, lui aussi routier depuis trois décennies, le fait de taxer les poids-lourds qui empruntent l'A1 pousserait simplement les chauffeurs comme lui à prendre les plus petites routes.

"Je trouve que la route est déjà très chère. Si on augmente encore, évidemment que nous prendrons les nationales et tout ce qui sera moins cher, c'est normal", juge-t-il.

"C'est le consommateur qui paie..."

Si le transport fluvial pollue cinq fois moins que le routier, il se veut aussi plus compliqué. Il faut acheminer la marchandise en camion, la charger sur le bateau, la décharger à l'arrivée et finir le transport en camion.

"Imaginez le coût! Et c'est le consommateur qui paie…", déplore David Sagnard, dirigeant d'une société de transports dans le Nord. Pour lui, il ne faut pas punir l'autoroute mais promouvoir le fluvial.

"Pour le transporteur qui utilise ce mode de transport avec des ruptures de charge, il faut qu'il ait un avantage, comme un avantage fiscal", revendique le PDG de Transports Carpentier.

Le projet Canal Seine-Europe a pour but de supprimer un million de camions des routes chaque année dans le Nord. La proposition de taxe, elle, pourrait être faite en septembre lors de la présentation du projet de loi de finances 2024.

Margaux Boulte, avec Alexis Lalemant