"Je vois des gens qui mettent 5 euros d’essence": faut-il relancer le chèque carburant?

Pas de coup de pouce en 2024 face aux prix des carburants? Le chèque carburant de 100 euros pour les travailleurs modestes, qui a coûté 600 millions d’euros en 2023, n’a pas été reconduit par le gouvernement, qui avait évoqué la possibilité de le réactiver en cas de passage de la barre des 2 euros le litre avant que la dégradation du déficit public ne vienne repousser cette hypothèse… A la pompe, alors que le litre de SP 95 (E10) atteint par exemple 1,920 euro en moyenne ce mardi (+4,9 centimes en un mois), les automobilistes sont donc confrontés à une nouvelle hausse douloureuse.
"Je vois des gens qui mettent 5 euros d’essence. Vous imaginez? C’est pour aller travailler…", souffle Jean-Claude, gérant d’une station-service indépendante à Perpignan, dans Estelle Midi sur RMC. "Cinq euros, c’est le strict minimum pour aller bosser et rentrer. Mais voiture-boulot-dodo, ce n’est pas ça la vie. Il faut aussi du temps social", plaide Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes.
"On est bien obligés de mettre du carburant, ajoute Anthony, chargé d’affaires. J’ai dû faire Nevers-Nice le week-end dernier. Pour faire attention à mon budget, j’ai pris les nationales, j’ai roulé moins vite, et je suis allé mettre du carburant au supermarché qui faisait à prix coûtant. Il faudrait augmenter les salaires. Je suis contre les chèques, qui ne vont jamais aux bonnes personnes."
"Le gouvernement, ce n’est pas Dumbledore"
Comment soulager le portefeuille des Français qui ont besoin de leur voiture? L’équation semble insoluble… "Le chèque carburant, c’est un chèque pour presque personne payé par presque tout le monde, pointe Pierre Chasseray. Il ne faut pas aller vers ce système. Le prix à la pompe doit être abaissé pour donner un souffle aux Français. Continuer à avoir des Français qui mettent 5 balles, ce n’est pas possible."
Vouloir une baisse des taxes, dans la situation budgétaire actuelle, c’est pourtant illusoire. "Aujourd’hui, sans les taxes de l’Etat, on pourrait vendre le carburant à 0,80 euro le litre, assure le gérant de station-service indépendante. Moi, je gagne 8 centimes au litre. Les grandes surfaces, 2 centimes. L’Etat me prend 35% sur le gazole avec la TICPE, plus 20% de TVA. C’est identique sur le SP95. Les régions prennent aussi quelque chose, même si ce n’est pas beaucoup." Un pompiste qui voit aussi que "les bénéfices de Total ou BP sont extraordinaires".
Pour Benjamin Amar, enseignant et syndicaliste, c’est dans ces caisses des grandes entreprises qu’il faudrait piocher pour financer une nouvelle aide. "J’ai toujours été très gêné par cette histoire des chèques carburant, explique-t-il. Le gouvernement, ce n’est pas Dumbledore. C’est de l’argent public, ça vient des impôts. Il est enfin temps de taxer les superprofits des opérateurs qui se sont gavés. Je veux que la puissance publique prenne des décisions contre les acteurs économiques qui sont bafrés et continuent de le faire." Pour Thierry Moreau, "la seule solution, c’est de développer les transports en commun". Vaste sujet, aussi...
Pourquoi les prix de l'essence augmentent-ils au printemps?
"Tous les ans, c’est à peu près la même dynamique, explique Pierre Chasseray (40 millions d’automobilistes). Au moment de la ‘driving season’, quand les Américains recommencent à conduire en masse, ils tirent sur la demande et ça fait augmenter l’essence sans-plomb sur les autres pays, notamment en Europe. Le diesel redevient très avantageux économiquement par rapport au sans-plomb qui part en pleine ascension. Il ne faut pas rêver. Tant qu’il n’y aura pas de refonte totale de la fiscalité, on aura toujours le même problème chaque année pour les automobilistes. Cela veut dire qu’ils sont pris à la gorge."