SNCF: une fréquentation record en 2024, avant l'intensification de la concurrence

Après cinq années d'existence, la compagnie ferroviaire SNCF Voyageurs est portée par un engouement pour le train, ternie par une pénurie de rames, et doit achever sa mutation pour entrer pleinement dans le monde de la concurrence.
Tous les indicateurs sont au vert: en cinq ans, la fréquentation des trains tous modes confondus a explosé. En 2024, SNCF Voyageurs a transporté 163 millions de personnes en TGV en France et en Europe, soit 4% de plus qu'en 2023 - et 14% de plus qu'en 2019.
Pour les trains régionaux c'est encore mieux, avec une hausse de fréquentation de 10% en un an et de 33% en cinq ans. "Quand j'ai pris (la direction des TER) fin décembre 2020, si on m'avait dit qu'on aurait 400.000 voyageurs en plus par jour, je ne l'aurais pas cru", a confié le directeur TER délégué Jean-Aimé Mougenot lors d'une matinée organisée par SNCF Voyageurs consacrée à la présentation du bilan et de la stratégie de l'entreprise. Les trains sont pleins et même trop puisque la compagnie ferroviaire cherche par tous les moyens à répondre à l'explosion de la demande malgré un parc limité.
Ouigo monte en puissance
Avec le prolongement de la durée de vie de 104 rames, l'ajout d'une cinquantaine de places lors des rénovations de certaines rames ou encore la montée en puissance de l'offre Ouigo, des trains moins chers avec plus de sièges, SNCF Voyageurs pousse les murs. L'arrivée des TGV M, des trains nouvelle génération pouvant accueillir plus de voyageurs, n'est prévue que pour "fin 2025, début 2026" au rythme de 12 rames par an (pour 115 au total). Ces efforts vont permettre dans un premier temps d'ajouter quatre millions de places sur l'axe atlantique d'ici 2026.
D'ici 2030, 70 rames de concurrents sur le réseau SNCF
SNCF Voyageurs se prépare aussi à l'accélération de la concurrence qui va bouleverser le paysage ferroviaire d'ici la fin de la décennie. "Aujourd'hui, il y a sept rames de concurrents qui circulent en France (avec Trenitalia et Renfe)", a détaillé le directeur de TGV-Intercités Alain Krakovitch. D'ici 2030, "on passera à 70 rames de concurrents sur notre réseau. Potentiellement, c'est 20% de parts de marché qui sera pris" par les compétiteurs de la SNCF, a-t-il complété.
D'après les projections de SNCF Voyageurs, les concurrents prévoient de se positionner sur 95% des lignes rentables de la SNCF - parmi celles-ci seule Paris-Dijon serait épargnée. La compagnie alerte sur la nécessité de légiférer pour que le poids de l'aménagement du territoire ne repose pas uniquement sur ses épaules, mais aussi sur celles de ses concurrents, soumis à aucune obligation. Actuellement, un tiers des lignes à grande vitesse sont rentables, un tiers à l'équilibre et un tiers déficitaires, les premières finançant la desserte des dernières.
La SNCF lorgne sur le marché italien
SNCF Voyageurs ambitionne de transporter 200 millions de voyageurs en grande vitesse d'ici 2030, avec un fort développement en dehors des frontières françaises en s'appuyant sur "deux modèles: la coopération au nord et la concurrence au sud", a assuré Alain Krakovitch.
SNCF Voyageurs, déjà implanté en Espagne, se prépare à s'attaquer au marché italien en 2026. L'arrivée de la concurrence va aussi bousculer les trains régionaux puisque d'ici 2030, la moitié des TER auront été soumis à un processus d'appel d'offres, comme la quasi totalité des trains de banlieue parisienne d'ici 2032.
"SNCF Voyageurs va changer de visage", a résumé son PDG Christophe Fanichet. "Aujourd'hui la compagnie est très concentrée et centralisée et dans l'avenir elle sera structurée par ses filiales en France et en Europe", a-t-il conclu, prophétisant la fin de l'entreprise SNCF intégrée et unifiée connue des Français depuis près d'un siècle.