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Uber: 700 chauffeurs réclament 3.8 millions d’euros de TVA à l’État

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INFO RMC. Sept cents chauffeurs Uber, qui payent l’intégralité de la TVA alors qu’ils versent une commission à la plateforme, réclament 3.8 millions d’euros à l’État.

Alerté par des chauffeurs VTC, "RMC s’engage pour vous" a enquêté sur des accusations de fraude à la TVA qui visent Uber. La plateforme s’est implantée en France en 2011, selon un modèle qui porte aujourd’hui son nom: l’ubérisation. Au lieu de salarier ses chauffeurs, elle jouerait un simple rôle d’intermédiaire entre des chauffeurs indépendants et des clients, et prélève 25% de commission sur le montant de la course. Elle ne se présente pas comme une entreprise de transport et opère en France depuis une société domiciliée aux Pays-Bas. Résultat: elle ne paye pas de TVA. Ce sont donc les chauffeurs qui la collectent, sur la totalité de la facture, y compris sur la commission qu’ils versent in fine à Uber. Pour faire simple: ils paient une taxe sur de l’argent qu’ils ne touchent pas. 

"Moi, personnellement, je fais 15 heures par jour, sachant que je suis marié et que j’ai deux enfants. Quand on fait le bilan comptable à la fin de l’année, on voit qu’il y a quand même une grosse somme de TVA que je paye. C’est injuste", témoigne Mehdi, un chauffeur.

Injuste, mais surtout illégal selon l’avocat Jérôme Giusti, qui se bat depuis trois ans pour faire reconnaître les droits des chauffeurs devant les tribunaux. Son raisonnement est simple: non, les chauffeurs ne sont pas des indépendants mais des salariés. La Cour de cassation, qui est la plus haute juridiction française, l’a reconnu le 4 mars 2020 et à nouveau le 25 janvier dernier. Et quand on est salarié, on n’est pas soumis à la TVA.

"Les choses sont claires pour les juges, sauf semble-t-il pour l’Etat et l’administration fiscale"

Les chauffeurs VTC se disent donc victimes d’une fraude de la part d’Uber et demandent des comptes à l’État. Et c’est une information RMC: ils lancent ce lundi 13 janvier 2023 une action inédite en France. Ils réclament à l'administration fiscale le remboursement de la TVA payée depuis le 1er janvier 2021. Près de 700 chauffeurs ont déjà rejoint cette action portée par Me Jérôme Giusti, pour un montant que nous avons estimé à 3.8 millions d’euros.

"Les choses sont claires pour les juges, sauf semble-t-il pour l’Etat et l’administration fiscale, explique l’avocat. L’Etat a quatre mois pour me répondre. Si au bout de quatre mois, notre demande n’est pas reçue favorablement, nous saisirons le tribunal. Cela voudra dire que l’Etat protège Uber et ne va pas chercher l’argent là où il est."

En enquêtant, "RMC s’engage pour vous" a découvert que certains centres des impôts reconnaissent de fait une injustice dans les règles applicables aux chauffeurs. Selon les centres, certains chauffeurs ne payent déjà plus la TVA sur la commission prélevée par Uber. "Aujourd’hui, vous avez des administrations fiscales qui vont vous dire que vous allez payer sur le brut, sur la totalité du montant, parce que c’est la loi. Et d’autres qui vont dire, 'c’est vrai qu’Uber prend 25% de commission, donc payez sur les 75% que vous percevez'. Mais c’est un manque à gagner pour le gouvernement", souligne Brahim Ben Ali, président de l’intersyndicale nationale des VTC. 

L’intersyndicale lance ce lundi un site internet dédié, pour permettre à tous les chauffeurs qui le souhaitent de rejoindre cette action.

Uber a été condamné au Royaume-Uni

Que répondent les ministères concernés? Le ministère de l’Economie et des Finances se retranche derrière le statut des chauffeurs: ils sont indépendants, ils doivent donc payer la TVA. Mais le ministère des Transports précise que "la France participe activement" à une proposition de directive européenne, qui prévoit notamment la création d’une présomption de salariat pour les chauffeurs VTC. Ce qui aurait pour conséquence de reconnaître qu'ils n'ont pas à régler la TVA.

Au Royaume-Uni, Uber a été contraint de verser 710 millions d’euros à l’État britannique, en novembre 2022, pour arriérés de TVA. Et depuis cette date, c'est la plateforme qui paye cette taxe. De son côté, Uber assure "respecter scrupuleusement la réglementation française ayant trait à la TVA". 

Sur le volet politique, la commission d’enquête parlementaire lancée à la suite des révélations des "Uber Files" vient tout juste de démarrer ses travaux, jeudi dernier. Présidée par la députée LFI Danielle Simonnet, elle est chargée d’enquêter sur "Uber, son lobbying et ses conséquences".  

Amélie Rosique, Joanna Chabas, Elise Denjean