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Tribune signée par Catherine Deneuve pour laisser aux hommes "la liberté d'importuner": "Quel gâchis!"

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Une centaine de femmes dont Catherine Deneuve, Brigitte Lahaie, ou Catherine Millet, ont publié ce mardi une tribune dans le Monde pour "défendre" la "liberté d'importuner" des hommes et s'opposer à la "campagne de délations" apparue après l'affaire Weinstein. Une tribune choquante pour de nombreuses féministes.

Raphaëlle Rémy-Leleu est porte-parole d'Osez le féminisme.

"Quel dommage! Quel gâchis! Il y a tellement plus important à faire en ce moment, plus solidaire que cette tribune! Le contraste avec Time's up est terriblement cruel.

Sur le passage sur les frotteurs dans le métro notamment, il y a des choses à remettre à l'endroit. On ne peut pas euphémiser les violences sexistes et sexuelles. Un frotteur, ce n'est pas juste un frotteur, c'est un agresseur sexuel, il faut caractériser les choses. On ne peut pas titrer sa tribune sur le fait d''importuner' quand on parle d'agressions sexuelles et sexistes à l'intérieur.

On a osé nous demander après l'affaire Weinstein pourquoi les victimes ne parlaient pas, parce qu'elles ne réalisent pas qu'elles sont victimes. On parle de leur agresseur comme d'un beauf, d'un goujat au lieu de mettre le mot correct dessus.

"Une rhétorique d'extrême droite"

Pourquoi on n'ose pas se dire victime? Parce que pour certaines personnes dont ces femmes font malheureusement partie, être victime, c'est encore une tare. Quand Osez le féminisme a organisé une grande campagne aux tous début de l'association elle s'appelait la honte doit changer de camp, on l'a redit aujourd'hui, on l'a redit avec l'affaire Weinstein, des millions de femmes l'ont clamé et cette tribune participe à un mouvement de 'backlash' ou contrefeu où à chaque fois qu'on progresse on se prend une sorte d'élastique dans la figure. C'est une preuve de violence terrible.

Quand on voit que le texte est écrit à plusieurs mains dont celles d'Elisabeth Levy, on y retrouve aussi de manière pas très subtile toute la rhétorique de l'extrême droite. Le premier à avoir parlé de délation concernant le mouvement #Metoo, c'est Eric Zemmour.

"Une tribune de 100 femmes ne fait pas un mouvement d'ampleur"

Il y a deux grands exercices de rhétorique autour de l'écoute de la parole des femmes c'est soit cette rhétorique d'extrême droite sur la délation, soit le côté puritanisme. Alors que tout l'objectif de la pédagogie féministe, c'est de dire que les violences n'ont rien à voir avec la séduction ou l'amour. Il n'y a pas de ligne de progression qui commence par de la drague et qui finit par un viol. Laisser croire ça, c'est poser une base de société délirante et obscurantiste où on ne pourra jamais avoir de relations apaisées entre hommes et femmes. Comment on peut croire à la libération sexuelle si on se fait traiter de p*** quand on se balade dans la rue?

Une tribune de 100 femmes ne fait pas un mouvement d'ampleur, y compris quand nous faisons des tribunes de notre côté. Et face au mouvement d'écoute des femmes que l'on connaît depuis plusieurs mois, cette tribune ne fait pas le poids, donc il faut lui donner une importance relative.

Je pense qu'il y a des millions de femmes dans le monde qui relaient le discours d'Oprah Winfrey, et nous on est des millions de femmes à s'atterrer devant une tribune signée par Catherine Deneuve".

Propos recueillis par Paulina Benavente