Un Bordelais aux Parisiens: "Ne venez pas projeter vos fantasmes sur notre ville"

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Vincent est le cofondateur du groupe Facebook "Front de Libération bordeluche face au parisianisme". Lundi, Sud Ouest a publié un article relatant le sentiment anti-parisien qui monte à Bordeaux.
"Les autocollants 'Parisien, rentre chez toi', c'est un autre groupe qui a lancé l'idée. Ça renoue un peu avec une certaine verve bordelaise qui est un peu éteinte, ça marque les esprits. Ce n'est pas notre manière de communiquer, mais on n'est pas contre.
Nous n'avons rien contre les Parisiens. En revanche, avec la LGV (Ligne à grande vitesse) on assiste à un phénomène de spéculation immobilière. Les prix en centre-ville flambent, donc les classes populaires sont obligées de s'exiler dans des banlieues pavillonnaires jaunâtres à 50km dans la campagne. En terme d'immobilier, de location et d'achat, c'est hallucinant. Aujourd'hui un Bordelais de base ne peut plus acheter ou alors il s'endette sur 25 ans.
"Il y a même une escroquerie pour les Parisiens"
Il y a 15 ans ce n'était pas du tout ça, c'était une ville un peu endormie. C'est le contre-effet Juppé. Il y a eu une communication de la ville très efficace qui attire les classes dynamiques parisiennes. Tellement de gens veulent quitter Paris qu'ils se jettent sur le moindre bien un peu cradingue. Donc même la petite échoppe, dont aucun Bordelais ne voulait il y a 10 ans, devient un bien de valeur. Il y a même une escroquerie pour les Parisiens eux-mêmes, il y a tout un business de Bordelais qui refilent des biens de mauvaise qualité aux Parisiens.
Il y a un alignement des prix parisiens sur les biens de consommation courante. Les Parisiens importent leur manière de consommer, dans les restaurants, etc… L'accent bordelais est en train de disparaître. L'accent était faible à Bordeaux mais il y avait un vieux fond de sud-ouest qui est en disparition totale. Ça parle 'pointu' maintenant. Il y a une ambiance plus feutrée, qui est agréable mais qui fait disparaître une autre ambiance.
Je crois que l'on arrive à l'uniformisation des comportements sur un moule parisien. Mais je pense que c'est la même chose à Rennes, et dans d'autres villes. Les villes se 'parisianisent' mais c'est leur sort.
"Condamnés à une vie pavillonnaire banlieusarde"
Tout le monde n'est pas d'accord avec nous. Il y a une division entre ceux qui ont voté Macron et une France périphérique qui se sent déclassée, qui n'a plus accès aux commerces de centre-ville, aux rythmes de vie des centres-villes. Ils sont condamnées à une vie pavillonnaire banlieusarde, à faire de la rocade pour aller travailler tous les jours.
J'ai beaucoup foi en Internet qui donne la possibilité aux gens de se regrouper. En revanche, je pense qu'on ne peut pas lutter contre un phénomène qui a pour base des questions économiques. De fait, ça avantage certaines personnes. Clairement la ville a voulu rénover les quartiers un peu craignos d'avant pour les transformer en boboland. Mais Paris était aussi comme ça avant!
"De la ségrégation sociale et spatiale"
Indubitablement, ça a créé une activité économique, mais la question ce sont les dégâts sur l'identité d'une ville telle qu'on l'a aimée. Et les vraies conséquences sont dans les banlieues: dans les lotissements, les gens votent FN. C'est une population qui se sent déclassée, pour laquelle le prix de l'essence est primordiale, qui doit subir les transports en commun sans avoir accès à une vie en centre-ville. C'est de la ségrégation sociale et spatiale.
Bordeaux, c'est l'exemple-type: il y a un matraquage publicitaire. Chez mes amis parisiens, on a l'impression que Bordeaux est une sorte de Graal au-delà des qualités propres de la ville. Il y a une belle façade de quais, mais la culture à Bordeaux est assez faible, il n'y a pas grand-chose à part le vin. La météo? Il pleut plus qu'en Bretagne. Paris est la plus belle ville du monde. Donc on dit aux Parisiens, essayez de lutter à Paris pour que cette ville soit plus vivable, mais ne venez pas projeter vos fantasmes sur une ville qui a des défauts, des difficultés et qui n'a pas le tissu économique pour vous accueillir.
Je n'ai rien contre les Parisiens, ils sont plus élégants, plus classes, ils ont la culture. Mais nous on l'aime notre petit peuple bordelais".