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JO Paris 2024: faut-il s'inquiéter de la surveillance électronique?

Les Jeux olympiques de Paris 2024 se dérouleront sous haute surveillance technologique. Le projet de loi olympique était examiné mercredi au Sénat. Parmi les articles d’ores et déjà adoptés, le plus controversé concerne la mise en place de caméras de surveillance intelligentes. Certains élus et associations dénoncent une "surenchère sécuritaire".

Des caméras augmentées. C'est l'arsenal qui sera utilisé pour les Jeux olympiques de Pairs 2024. Pour le dire clairement ce sont des caméras de vidéosurveillance couplées à de l’intelligence artificielle, qui seront capables de détecter des situations problématiques ou dangereuses: un mouvement de foule, un colis abandonné ou un comportement suspect comme une personne qui marche à contrecourant de la foule par exemple.

Cela permet d’alerter les forces de l’ordre sur une zone de tension ou un individu en particulier. Ce système pourrait aussi être embarqué dans des drones de surveillance. C'est en tout cas ce qui a été expliqué dans le cadre du débat sur la loi olympique. L'article en question a été adopté au Sénat. Pour les porteurs de cette loi, il s'agit de la sécurité dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il s’agit aussi d’éviter un nouvel épisode façon finale de la Ligue des Champions au Stade de France, avec des vols, des agressions et des personnes qui passent au-dessus des portiques.

Une opposition au projet

Mais ça ne plait pas à tout le monde: des élus de l’opposition, écologistes et communistes, certaines associations, mais aussi la Cnil, qui estime que ce texte "soulève des enjeux nouveaux et substantiels en matière de vie privée", car il permet "une collecte massive de données personnelles et une surveillance en temps réel". La crainte, au-delà de ça, c’est surtout que les JO – et avant eux la Coupe du monde de rugby, où ces technologies doivent être testées en premier – ne soient qu’un prétexte pour déployer ces outils beaucoup plus largement.

Si ces caméras augmentées font leurs preuves, elles pourraient bientôt faire partie de nos vies quotidiennes. Une bénédiction pour les entreprises françaises, qui figurent parmi les champions sur ces technologies. Si ces caméras ne seront pas capables d’identifier des personnes, il n’y aura pas de reconnaissance faciale au programme, ces outils ne pourront pas identifier une personne spécifique. En fait, tel que le dispositif est prévu, il s’agit juste de détecter des comportements étranges pour aider la police à interpeler de manière plus efficace, rien de plus.

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Une surveillance de masse, vraiment ?

Quand on parle de collecte de données privées, c’est infime par rapport à tout ce qu’on laisse sur internet toute la journée. Est-ce que ce n’est pas un peu démagogique de parler de "société de surveillance" et de nous brosser un portrait à la 1984 ? Toujours faire la balance utilité/respect de la vie privée.

Est-ce que c’est utile ? Oui si ça permet de gagner en temps et en efficacité, par exemple pour identifier si un colis a été oublié ou abandonné volontairement. Cette technologie a déjà testé par la SNCF dans les gares. Le débat qu’on pourrait avoir, c’est si on pousse le curseur un cran plus loin. En intégrant dans ces caméras l’identification des personnes, comme le demandent certains politiques, comme Christian Estrosi par exemple. Avec, cette fois, de la reconnaissance faciale, ce qui peut effectivement donner lieu à un débat.

Il y a eu plusieurs expérimentations, très encadrées, lors du festival de Cannes en 2019, pour repérer des personnes recherchées, jugée insatisfaisante par la Cnil. Certains clubs de foot comme Le FC Metz, pour identifier automatiquement les interdits de stade. Le club s’est lui aussi fait taper sur les doigts par la Cnil. Pourtant on parle d’une reconnaissance limitée à l’identification de personnes déjà connues des services de police.

Très loin de l'exemple chinois

Bref, à côté de la Chine, la France reste "petits joueurs" au niveau de l'intelligence artificielle. Il est difficile d’imaginer en France qu’on puisse mettre en place un système qui permette d’identifier n’importe qui dans une foule. Cela nécessiterait d’avoir une base de donnée biométrique de tous les citoyens, à comparer avec des pays où reconnaissance faciale fait partie du quotidien.

Sans même aller jusqu'en Chine, qui est un cas extrême, au Royaume-Uni, on se sert de reconnaissance faciale pour identifier les élèves dans les cantines scolaires. Dans certaines villes allemandes, des caméras intelligentes sont déployées pour détecter les comportements suspects. On est loin de la Chine, où des outils permettent d’identifier n’importe quel citoyen en quelques secondes. Un reporter de la BBC en a fait l’expérience. Il a demandé aux autorités chinoises de le considérer le temps d’un reportage comme un suspect, pour voir combien de temps la police mettrait à l’arrêter en le repérant dans la rue grâce aux caméras. Il est sorti se balader. Il a fallu 7 minutes seulement à la police pour l’intercepter.

Anthony Morel