"Presque une provocation": TikTok Lite, une nouvelle version du réseau "très dangereuse pour les jeunes"

La secrétaire d'Etat chargée du numérique Marina Ferrari a demandé ce jeudi à ses services d'étudier avec la plus grande attention l'interface de la nouvelle application Tik Tok Lite, lancée fin mars en France et en Espagne. Cette nouvelle version du réseau social comprend désormais un système de récompense. Regarder des vidéos chaque jour, se connecter, aimer des vidéos, inviter des amis permet de gagner des jetons, à échanger contre des bons d'achat (Amazon par exemple) ou des cadeaux virtuels (NFT).
L'objectif avec ce programme de récompenses est d'"inciter les nouveaux utilisateurs qui n'ont pas encore essayé Tiktok à découvrir du contenu inédit, à s'impliquer dans l'application et à parrainer leurs amis". L'application est disponible depuis quelques mois au Japon et en Corée du Sud. En Europe, elle est disponible en France sur Android uniquement pour le moment, et en Espagne.
Alors difficile de résister à l'appât du gain, même si Alicia ou Apolline, lycéennes, ont conscience que les récompenses de TikTok Lite peuvent rendre encore plus accro: "On va essayer, c'est un bon moyen de se faire de l'argent, parce que c'est facile et on ne fait rien".
"C'est comme si on nous achetait, et en plus ça donne envie, c'est ça le problème alors que moi je n'ai pas envie de passer mon temps à faire ça", réagissent les deux lycéennes.
Tik Tok a quand même mis en place un garde-fou: seules les personnes majeures peuvent convertir les jetons gagnés en cadeaux virtuels ou en bons d'achat. Mais c'est facile à contourner, assurent les adolescentes.
"On a le sentiment que c'est limite une provocation"
Mais des élus et des associations pointent un danger pour les plus jeunes. "Mais où va s'arrêter TikTok dans le cynisme?" réagit le député Modem Erwan Balanant, spécialiste des questions numériques.
"Tik Tok France vous dit sans arrêt qu'il met en place des systèmes pour protéger nos enfants. Et là, il met en place une application qui est tout le contraire", s'insurge-t-il.
Invitée sur RMC ce vendredi matin, la directrice générale de l’association e-Enfance Justine Atlan est dépassée: "On est tous un peu atterrés par cette situation. On a le sentiment que c'est limite une provocation. Une provocation ultime de Tik Tok qui est très en danger ces derniers temps et malmené aux Etats-Unis".
Ce système peut vite devenir addictif
Ce système de récompense nécessite de regarder, au moins, 25 minutes de vidéos par jour, avec "des notifications en permanence qui te disent de revenir", explique Justine Atlan. Elle détaille le mécanisme déclenché inconsciemment: "On est déjà dans un système de récompense avec le cerveau en regardant les écrans, avec un renouvellement continu de contenus et des notifications qui excitent notre cerveau et nous font revenir éternellement. On est proche des addictions aux substances. Et là, ils ajoutent une autre notion qu’on sait addictive: l’excitation de pouvoir gagner de l’argent".
Comparant cela aux addictions aux jeux d'argent, elle continue: "Ils induisent directement ce rapport temps passé/argent, c'est quand même très dangereux". Même si c'est officiellement interdit aux moins de 18 ans, "le problème de la vérification d'âge est très délicat".
C'est très pervers et dangereux pour la vie future des jeunes", s'indigne-t-elle.
Alors que dire à nos enfants? Elle conseille d'arrêter d’essayer d’avoir des arguments: "vous êtes parents, adultes, c’est vous qui savez. C’est normal de leur dire qu’on est là pour protéger et qu’on sait, c’est notre rôle".
La secrétaire d'Etat chargée du numérique Marina Ferrari dénonce, elle, une dérive contestable et invite la Commission Européenne à engager les démarches. Dans un message sur X, elle exprime son "inquiétude" quant au lancement de cette version, qui est "à l'opposé des principes de la société numérique que nous voulons bâtir".