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Téléphones fixes dans chaque cellule: "Ça ne réglera pas les problèmes de portables en prison"

Déjà testé à la prison de Montmédy, dans la Meuse, le ministère de la Justice va généraliser l'installation d'un téléphone dans chaque cellule. (Photo d'illustration)

Déjà testé à la prison de Montmédy, dans la Meuse, le ministère de la Justice va généraliser l'installation d'un téléphone dans chaque cellule. (Photo d'illustration) - AFP

Les cellules de l'ensemble des prisons françaises vont être équipées de téléphones fixes au cours des prochaines années, révèle Le Monde ce mardi. Les numéros que les détenus pourront appeler auront été déterminés à l'avance et leurs conversations seront écoutées.

Jean-François Forget, secrétaire Général UFAP-UNSa Justice (Union Fédérale Autonome Pénitentiaire).

"On a découvert ce matin cette annonce faite à des journalistes du Monde, sans qu'à aucun moment il n'y ait eu de discussions avec les partenaires sociaux que nous sommes. Pour autant, sur le fond, c'est moins pire de s'entendre dire un 2 janvier que l'on se dirige vers une installation généralisée des téléphones filaires (fixes, NDR) en cellule plutôt que d'entendre ce que l'on a entendu en août dernier, à savoir que la ministre de la Justice réfléchissait à la libéralisation du téléphone portable en prison, ce qui aurait été une catastrophe sans nom.

Toutefois, installer des téléphones filaires dans chaque cellule peut être une bonne idée si elle est accompagnée de moyens en personnels et de dispositifs tels que les brouilleurs pour éradiquer les téléphones portables.

"Cela ne va pas régler le problème de l'introduction des portables"

Déployer de véritables brouilleurs dans nos prisons est une absolue nécessité pour endiguer le fléau des téléphones portables, car le filaire dans les cellules ne réglera en rien l'interdiction des portables en prison. Les téléphones filaires seront sous écoute de personnels, quand le portable ne l'est pas. Ne nous leurrons pas, les détenus n'utilisent pas leurs portables - introduits par effraction - pour appeler leurs parents ou l'ANPE à 18h le soir: c'est pour conduire les trafics qu'ils ont en dehors de prisons, c'est pour continuer à opprimer les victimes et surtout pour organiser des tentatives d'évasions.

A la prison de Montmédy, dans la Meuse (où depuis l'été 2016, les détenus bénéficient d’un téléphone fixe personnel dans leur cellule à titre expérimental, NDR), l'administration vous dira qu'il y a moins de portables qui rentrent: au lieu d'en saisir 86, ils n'en ont saisi que 47, quelle gloire! Mais encore une fois, la téléphonie filaire ne va pas régler le problème de l'introduction des téléphones portables si on ne met pas des brouilleurs ou des sanctions pénales plus importantes. Quand les détenus font des vidéos pour les mettre sur les réseaux sociaux, ce n'est pas acceptable.

"Qui pour écouter les conversations"

Il y a aussi le problème des moyens humains pour contrôler et écouter ces appels téléphoniques. Sauf à considérer qu'on délèguerait cette responsabilité au privé – ce qui n'est pas entendable pour une responsabilité régalienne - . Il y a enfin le problème de la promiscuité des détenus: on a une surpopulation pénale dans les cellules et je n'ai pas le sentiment que la chancellerie allait gérer cette promiscuité-là.

Encore une fois, nous ne souhaitons empêcher l'installation de téléphones fixes dans chaque cellule, mais nous posons ces questions auxquelles il faudra apporter des réponses pour mettre en place un dispositif qui pourrait être une bonne chose si cela est fait correctement."

Propos recueillis par Philippe Gril