Vivre sous la menace du feu ne me donne pas envie de changer de coin, mais des gens se posent la question

- - AFP
Alain de La Taille habite à Saint-Mandrier-sur-Mer (Var) depuis 20 ans.
"Ça fait deux jours que, sur le plan psychologique, on vit sous la menace permanente du feu. Depuis lundi, on a un très fort vent, il souffle à 70km/h. On finit par avoir une petite compétence. Moi j’en ai une, ayant passé beaucoup de temps dans la Marine nationale: c’est un risque auquel on est très sensibilisé et entraîné. Pour les autres gens qui vivent dans ces situations, ça peut être assez stressant.
Cela fait 14 ans que la municipalité et les municipalités voisines ont mis en place des dispositifs pour prévenir les incendies. Cela prend la forme d’obligation de débroussaillement autour des habitations, par exemple. Et pendant la période très chaude, du 21 juin au 21 septembre, on a un dispositif de barriérage et de restriction de circulation. Il est mis en place selon les indications de la préfecture du Var.
"Pour les habitants qui sont à l’intérieur des enclos c’est assez contraignant"
Cette année, on a eu quatre, peut être cinq jours avec le dispositif de barrières fermées. Pour les habitants qui sont à l’intérieur des enclos c’est assez contraignant. Quand vous circulez en voiture, il faut sortir, ouvrir… C’est un dispositif grossier, qui n’a aucune intelligence. Nous avons demandé à nos maires de disposer d’un dispositif qu’on puisse commander de l’intérieur des véhicules.
Je n’ai pas envie de bouger d’ici, mais on vit avec ce risque. Et on vit correctement. Notre principale gêne, c’est certes d’être enfermés de temps à autres dans un périmètre clos dans lequel on a des restrictions de circulation. Quand on a beaucoup d’enfants, passer son temps à aller et venir avec les barrières, c’est assez pénalisant pour ceux qui les accompagnent.
"Évacuer dans le noir, avec des sirènes hurlantes, un vent pas possible et une pluie de braises..."
En 2005, on a eu un très gros incendie tout près de notre maison. Il a démarré à environ un kilomètre de chez nous vers 22h, il y avait 90km/h de vent. C’était un incendie criminel parce qu’on a retrouvé un dispositif de mise à feu. Ce feu, en une vingtaine de minutes, a parcouru les 1200 mètres qui le séparaient de l’endroit où j’habite. En deux heures, il a ravagé 5 ou 6 hectares de pinède. Cela n’a pas endommagé la maison, au-delà des cendres qu’on est obligé de nettoyer.
Mais ça nous a obligé à évacuer. On était une vingtaine, avec plein d’enfants, dont deux bébés. Évacuer à 22h30, dans le noir, avec des sirènes hurlantes tout autour de la maison, un vent pas possible et une pluie de braises… Nos enfants, pour certains, en ont été traumatisés. Moi ça ne me donne absolument pas envie de changer de coin. Mais il y a des tas de gens qui se posent la question quand-même.
"On participe tous, au minimum, à la surveillance"
Cette année, on vit un épisode de sécheresse exceptionnel. Il y a trois facteurs pour le feu: l’état d’humidité de la végétation, la chaleur, et puis le vent. C’est le cocktail détonnant. Que ce soit par négligence ou par malveillance, ça démarre très vite. Ici, je ne pense pas qu’il y ait de risques graves, si les gens respectent les consignes. Quand le feu démarre, ce sont les trois premières minutes pendant lesquelles on peut agir de la manière la plus efficace. Un feu, au bout d’une minute, avec deux verres d’eau vous l’arrêtez. Au bout de la 2e minute, c’est un seau de 10 litres. A la troisième minute, il faut passer à la motopompe.
Quand on est sur place, on est tous très concernés. On participe tous, au minimum, à la surveillance. Lundi, quatre Canadair sont passés à la verticale de la maison pour aller écoper dans la rade de Toulon. Tout de suite, je me suis dit qu’il y avait un incendie tout proche. Je suis sorti, je suis monté à un point de vue pour aller voir d’où ça aurait pu démarrer. Moi je ne suis pas stressé, mais je comprends que des gens le soient".