"Expliquez-nous": pourquoi le terme "islamophobie" divise-t-il?
Après la polémique sur le voile, voici la polémique sur un mot: “Islamophobie”. Un mot connoté, contesté, qui est apparu assez récemment dans le langage courant. Le Dictionnaire Robert ne l’a fait entrer qu’en 2015 avec la même définition que le Larousse: l’islamophobie, c’est l’hostilité envers l’Islam ou envers les musulmans.
Et c’est là que deux lectures sont possibles. Si c’est l’hostilité envers l’islam, cela peut être une critique d’une religion ce qui est autorisé, et même un droit garanti en France. On a le droit de ne pas aimer, les religions et de les critiquer. Mais si l’on retient que l’islamophobie, c’est l’hostilité envers non pas la religion, mais envers ses pratiquants, envers les musulmans, alors cela devient un racisme, condamnable.
La gauche et une grande partie des intellectuels se divisent donc aujourd’hui en deux. Ceux qui considèrent que leur droit de critiquer l’Islam est fondamental, dans la lignée de Charlie Hebdo et de la publication des caricatures de Mahomet. Et que renoncer à ce droit, c’est reculer face à l’islamisme radical. Et en face ceux qui pensent qu’il faut être aveugle pour ne pas voir que les musulmans sont victimes d’une hostilité grandissante et d’acte de violence comme l’attaque de la mosquée de Bayonne la semaine dernière. Et qu’il faut donc se mobiliser contre l’islamophobie.
C’est ceux-là qui appellent à manifester dimanche prochain. On retrouve parmi eux, Yannick Jadot, l’écologiste, Jean Luc Mélenchon et tous le groupes des députés de la France Insoumise, le porte-parole du parti communiste, Olivier Besancenot. Le journaliste Edwy Plenel, la féministe caroline de Haas ou le Gilet Jaune Jérôme Rodriguez.
Deux courants de pensée
De l’autre côté, ceux qui refusent le terme d’islamophobie. Par exemple le Parti socialiste, qui précise que c’est à cause de ce mot qu’il n’appelle pas à manifester. Manuels Valls dénonce la gauche du renoncement, de l’abandon, et de la honte.
Et puis il y a ceux qui ont changé d’avis sur le sujet. Par exemple Jean Luc Mélenchon qui après les attentats de 2015 avait réfuté le terme d’islamophobie au nom de son droit à critiquer une religion, mais qui aujourd’hui a rejoint le camp adverse et appel à manifester dimanche. Il faut dire que les débats avaient été très vifs au sein du parti lorsqu’un philosophe avait déclaré lors de l’université d’été de la France Insoumise que l’on avait le droit d'être “Islamophobe”. La phrase était très mal passée. On voit que comme disait Camus : mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde.
Mais il n’y a pas qu’un mot derrière cette querelle. Il y a derrière ce mot, deux courants de pensée. La gauche a longtemps été antiraciste et laïque. Aujourd’hui, il faudrait choisir son camp. Laïc ou antiraciste. Les antiracistes par exemple estiment que si une synagogue avait été attaquée à Bayonne, tout le monde serait descendu dans la rue sans hésiter. Il faut donc, selon eux manifester pour montrer aux musulmans, que l’on condamne les actes violents dont ils peuvent être victimes.
Les laïcs répondent : manifester oui, mais pas avec n’importe qui ! Pas avec Le CCIF, le comité contre l’islamophobie, à qui ils reprochent d'être inféodé aux frères musulmans. Pas manifester non-plus avec des prédicateurs qui prêchent l'infériorité de la femme. Pas non plus avec ceux qui ont déjà manifesté le week-end dernier devant le siège de CNew contre Éric Zemmour. Des discours de haine ont été prononcés ce jour-là, contre tous ceux qui combattent l’islamisme radical et qui ont été accusé d'être islamophobe. Et dans des termes tellement violents et vulgaires que je n’ose pas les répéter.