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"Vous faites pire que les barbus!": une candidate voilée pour les départementales dans l'Hérault au coeur d'une polémique

La présence d'une femme voilée sur une liste LREM pour les départementales prend des allures de drames au sein de La République en marche. Les figures du parti menacent de retirer leur soutien tandis que d'autres élus prennent le contre-pied de la direction.

Une simple photo de candidature et La République en Marche se déchire. La majorité est aux abois ce mardi, divisée en deux camps après un tweet de Stanislas Guérini, le député de Paris et délégué général des députés de la majorité à l'Assemblée nationale.

La raison? La présence d'une femme voilée, Sarah Zemmami, remplaçante sur une liste de La République en Marche pour les départementales dans l'Hérault, apparaissant sur une affiche de campagne.

Une photo qui a d'abord réveillé le Rassemblement national. C'est en effet Jordan Bardella qui a lancé les hostilités. "C'est cela la lutte contre le séparatisme Marlène Schiappa?", a lancé le député européen à l'attention de la ministre déléguée en charge de la Citoyenneté en postant l'affiche de campagne de la majorité dans le canton. 

Stanislas Guérini s'est chargé de faire le secrétariat de la ministre:

"Les valeurs portées par LREM ne sont pas compatibles avec le port ostentatoire de signes religieux sur un document de campagne électorale. Soit ces candidats changent leur photo, soit LREM leur retirera leur soutien", a lancé le député dans un tweet relayé par Marlène Schiappa.

"Je suis très content de voir que cette jeune femme a envie de s'engager"

Dans la foulée, de nombreux élus La République en Marche ont pris la défense de Sarah Zemmami et critiqué la réaction de Stanislas Guérini. "C'est un désastre. Il faut savoir parfois se retenir de tweeter, ne rien dire. C'est vraiment avoir le sens politique d'un bulot. La méthode consistant à retweeter Bardella est juste cata", a assuré un député de la majorité à BFMTV.com.

"Vous êtes voilée, je vous réduis au silence"

"'La France doit être une chance pour tous', disait Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017. Je suis donc très étonnée que Stanislas Guérini dise à la candidate, 'vous êtes voilée, je vous réduis au silence'", s'est émue ce mardi sur RMC Isabelle Saporta.

"Je suis laïcarde, je ne suis pas vraiment pro-voile mais je ne comprends pas ces polémiques incessantes en France dès qu'une femme est voilée. Je suis très content de voir que cette jeune femme a envie de s'engager. Je ne vois pas pourquoi ce voile serait une discrimination", ajoute-t-elle.
"Cela veut dire que demain, toutes ces femmes qui veulent s'engager mais pour qui c'est important de porter le voile on leur dit: 'restez chez vous, fermez vos gueules, laissez les barbus vous gouvernez et vous on ne veut pas vous entendre", déplore Isabelle Saporta.

"Vous faites pire que ce que font les barbus"

Mais les têtes d'affiche de la majorité n'en démordent pas:

 "Sur le fond on a le droit de porter un voile. Maintenant il y a une règle au sein de LaREM, on ne veut pas de signe religieux ostentatoire quel qu’il soit sur des supports de campagne. C’est ça qu’a voulu dire Stanislas Guérini, il a voulu le dire avec une grande fermeté et il a bien fait de le faire. C’est une question des valeurs que l’on porte", plaide Maud Bregeon, porte-parole de La République en Marche sur le plateau des "Grandes Gueules".
"Cette femme veut encore s’engager chez vous, c’est étonnant déjà. Elle considère que ça porte ses idées et vous, en quoi vous considérez que vous pouvez la disqualifier parce qu’elle porte un voile? Vous faites pire que ce que font les barbus en réduisant au silence une femme parce que voilée!", lui a répondu Isabelle Saporta très remontée.

Du côté des principaux concernés, pas question de reculer: "On ira jusqu'au bout, avec ou sans l'étiquette, mais toujours en soutenant le président de la République. (...) En République, on respecte les lois. Stanislas Guerini n'est pas au-dessus du Conseil d'Etat", prévient Hélène Qvistgaard sur BFMTV.

Que dit la loi?

Concernant les élus, "si le principe de neutralité du service public fait obstacle à ce que des agents ou des salariés exécutant une mission de service public manifestent leurs croyances religieuses, ni la jurisprudence, ni la loi n'étend aux élus cette interdiction", souligne l'Observatoire de la laïcité dans son guide "Laïcité et collectivités locales" publié en 2015.

Les élus restent soumis au principe de neutralité uniquement lorsqu'ils exercent une mission de service public. Cette recommandation concerne notamment les maires, considérés comme officiers d'état civil, lors de la célébration d'un mariage.

A l'Assemblée nationale, le port de tout signe religieux ostensible comme de tout uniforme a été interdit en 2018, mais pour les seuls députés.

S'agissant des candidats à une élection, la précédente candidature d'une jeune femme voilée sur la liste du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) pour les élections régionales de 2010 en PACA avait contraint le conseil d'Etat à se prononcer sur la question. Dans une décision du 23 décembre 2010, la plus haute juridiction administrative avait estimé que "la circonstance qu'un candidat à une élection affiche son appartenance à une religion est sans incidence sur la liberté de choix des électeurs".

"Aucune norme constitutionnelle, et notamment pas le principe de laïcité, n'impose que soit exclues du droit de se porter candidates à des élections des personnes qui entendraient, à l'occasion de cette candidature, faire état de leurs convictions religieuses", selon l'arrêt.

G.D.