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Attaque de Rambouillet: comment Jamel Gorchene, entré en France clandestinement, a-t-il pu obtenir un titre de séjour?

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EXPLIQUEZ-NOUS - La question se pose parce que c’est le parcours du terroriste de Rambouillet.

Peut-on obtenir un titre de séjour après avoir séjourné 10 ans clandestinement en France? C’est exactement le parcours de ce Tunisien, originaire de la région de Sousse, qui a assassiné une fonctionnaire de police vendredi.

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Il arrive clandestinement à l'âge de 24 ans en 2009. Il s’installe en région parisienne, travaille dans le bâtiment puis comme chauffeur-livreur. En décembre 2019, il obtient une première autorisation exceptionnelle de séjour salarié. Puis en décembre dernier, une carte de séjour d’un an qui était valable jusqu’à la fin de cette année.

Comment est-ce possible d'être régularisé après avoir été sans papier pendant dix ans? 

C’est prévu par le code d'entrée et de séjour des étrangers. C’est ce que l’on appelle une admission au titre du travail.

Pour en bénéficier, le candidat doit disposer d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche, il doit prouver qu’il est en France depuis au moins cinq ans, qu’il a travaillé au moins la moitié du temps, qu’il parle Français, qu’il n’est pas polygame et qu’il n’est pas un danger pour l’ordre public, autrement dit qu’il n’a jamais été condamné.

Si toutes ces conditions sont réunies, les préfets peuvent alors délivrer une carte de séjour pour une durée maximale d’un an. C’est précisément ce qu’a obtenu ce Tunisien de la part de la préfecture des Yvelines. Parce qu’il avait un contrat de travail comme chauffeur-livreur. Dans la pratique, il est impossible d’obtenir cette carte de séjour sans que l'employeur en fasse la demande pour le “sans papier” qu’il emploie.

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Ce qui est assez paradoxal puisqu’on demande à l’immigré clandestin de prouver qu’il est en France depuis longtemps, donc dans l'illégalité depuis longtemps. Et on demande à son employeur de prouver qu’il le salarie depuis des mois. Alors que c’est un délit d'employer un clandestin.

Mais c’est comme ça, et c’est surtout, la plupart du temps, un moyen de régulariser des immigrés qui sont en France depuis longtemps et qui travaillent dans des secteurs où l'on manque de candidats comme le bâtiment ou la restauration.

Ce n’est pas la plus grande partie des régularisations, c’est même assez marginal. Quelques milliers de titres de séjour sont délivrés chaque année au titre du travail. Beaucoup moins que les cartes délivrées pour des raisons familiales et privées, c'est-à-dire le mariage ou le PACS avec un ou une française et le regroupement familial, l'arrivée en France de la famille d’un immigré en situation légale. Beaucoup moins aussi que les cartes de séjour attribuées à environ 100.000 étudiants étrangers chaque année.

Par où passent-ils?

En ce qui concerne les Tunisiens, ils peuvent prendre des bateaux pour rejoindre les îles italiennes avec les risques énormes que cela comporte. Ils peuvent aussi emprunter la route des Balkans. J’avais suivi il y a quelques années pour un reportage, un groupe de Tunisiens qui entrait en Europe en passant par Sarajevo où ils pouvaient se rendre en avion et sans visa.

Ils payaient ensuite 5000 euros à des passeurs qui leur faisaient traverser à pied ou en camion les frontières croates, slovènes et italiennes. Le tout prenait environ une semaine, logé nourri. 

Logés dans des garages et nourris de mauvais sandwich, mais les passeurs garantissaient l'entrée en Europe en organisant autant d’essais que nécessaire. Cela dit ces passages clandestins, dangereux, mafieux ne sont qu’une toute petite partie de l’immigration illégale.

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90% des immigrés clandestins entrent légalement en Europe avec des visas de touristes ou des visas d'étudiants. Et ils ne deviennent “clandestins” qu’en restant après l’expiration du visa.

Nicolas Poincaré