Fitch dégrade la note de la France : "Il y a un risque de voir les taux d'intérêt augmenter"

L’agence de notation Fitch a abaissé vendredi soir la note souveraine de la France à A+, sanctionnant l’instabilité politique et les incertitudes budgétaires qui pèsent sur l’assainissement des comptes publics. Une décision qui tombe quatre jours après la chute du gouvernement Bayrou et la nomination d’un nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, le troisième en un an.
Dans son communiqué, Fitch pointe la "fragmentation et la polarisation croissante" de la vie politique, qui selon elle "affaiblit la capacité du système à mettre en œuvre une consolidation budgétaire d’ampleur". L’agence juge par ailleurs improbable de ramener le déficit public sous les 3% du PIB d’ici 2029, contrairement aux ambitions affichées par l’exécutif sortant.
"La consommation des ménages continue de patiner"
Pour l’économiste Stéphanie Villers, cette sanction n’est pas une surprise. "On l’avait vu venir, c’était attendu. Fitch avait déjà expliqué qu’elle surveillait la capacité de la France à assainir ses comptes publics", rappelle-t-elle ce samedi sur RMC.
Pourtant, l'Insee a réévalué les prévisions de la croissance française pour 2025, à 0,8% au lieu de 0,6% auparavant. Pas d'emballement, tempère l'économiste. "La consommation des ménages continue de patiner. Les Français n’ont pas le moral, ils épargnent beaucoup et consomment peu. Or, la consommation est le moteur de la croissance française. Tant qu’elle reste bloquée, les recettes fiscales ne suivent pas et l’objectif de réduction du déficit devient quasi inatteignable."
Conséquence, "avec cette instabilité politique, difficile d’imaginer un retour à un déficit public autour de 3% du PIB comme le demandent Bruxelles et nos engagements européens", prédit Stéphanie Villers.
Pas de hausse brutale sur les marchés lundi
Pas de panique sur les marchés à prévoir, cependant: "Les marchés avaient anticipé, les taux d’intérêt ont déjà augmenté. Il n’y aura pas de choc brutal lundi à l’ouverture", explique Stéphanie Villers. La hausse progressive des taux est toutefois à prévoir. "Les Français qui vont emprunter pour leur projet immobilier risquent de voir les taux d'intérêt augmenter. Les banques anticipent déjà ces hausses et les répercutent sur les crédits immobiliers. C’est aussi un frein pour les entreprises, qui voient leurs coûts d’emprunt augmenter et hésitent à investir. Ce n’est pas un bon signe pour l’économie", analyse Stéphanie Villers.
Un scénario de défiance massive des investisseurs internationaux — qui conduirait à une vente massive de la dette française et à un bond des taux d’intérêt — n’est pas d’actualité, mais "il faut garder ce risque à l’esprit", prévient l’économiste. "La seule façon de rassurer la communauté financière, c’est de voter rapidement un budget clair et crédible pour 2026."
François Bayrou dénonce les "élites qui refusent la vérité"
Le ministre sortant de l’Économie, Eric Lombard, a dit prendre "acte" de la décision de Fitch. François Bayrou a dénoncé une nouvelle fois la "colossale dette française", estimant qu’"un pays que ses élites conduisent à refuser la vérité est condamné à en payer le prix".
À gauche, Eric Coquerel (LFI) voit au contraire dans cette dégradation le résultat de "deux mois d’un discours catastrophiste sur la situation financière du pays".