GameStop: comment les boursicoteurs ont fait trembler des grands fonds d’investissement

EXPLIQUEZ NOUS – L’affaire GameStop ressemble à un scenario de film: des petits porteurs se révoltent contre des fonds spéculatifs. L’action a enregistré une hausse de 1.800 %. Comme une révolte des petits contre les gros. Mais le vent a fini par tourner.

Un vent de folie souffle sur le monde de la finance aux Etats-Unis avec l’affaire GameStop: des petits porteurs ont fait plier les géants de Wall Street. L’histoire ressemble tellement à un scenario de film que les studios MGM ont racheté les droits d’un livre en cours d'écriture. Un projet de série est à l'étude pour Netflix. Le monde de la fiction a tout de suite compris que l’on avait affaire à une histoire fascinante, où il est question de requins qui sont en train de se faire manger par des petits poissons.

Parier sur la baisse d’une action

Au départ, il s’agit d’une entreprise américaine qui va mal: GameStop, une chaîne de magasins qui vend des consoles et des jeux vidéo. En France, elle est connue sous la marque Micromania. Sauf que plus personne n'achète les jeux en magasins. Désormais, tout est en ligne. Résultat: le cours de l’action a été divisé par dix et GameStop est attaqué par des hedge funds, aussi appelés fonds spéculatifs. Certains les appellent moins poliment les fonds vautours, les charognards, ou bien les voyous de la finance. Parce qu’une de leur technique consiste à parier sur la baisse d’une action. 

Investir à la bourse, c’est toujours parier sur l’avenir: on peut acheter une action parce que l’on pense qu’elle va gagner de la valeur, mais on peut aussi parier sur sa baisse. A ce moment-là, vous achetez aujourd’hui une action en convenant que vous la paierez plus tard.

Si l’action a baissé, vous êtes gagnant, si elle a monté, vous perdez. Sauf que le jeu est truqué parce que les hedge funds font savoir qu'ils prévoient la chute d’une entreprise, et généralement, les marchés, inquiets, les suivent. Autrement dit, les vautours parient sur la chute puis ils organisent cette chute, et ils gagnent de l’argent sur la faillite et le chômage.

Une révolte imaginée sur un forum

Mais cette fois, cela ne s’est pas passé comme ça. Un grain de sable est venu enrayer la mécanique. Sur un forum de boursicoteurs, un homme a imaginé une révolte des petits porteurs. Il a suggéré que s’ils étaient des milliers à acheter quelques actions de GameStop, ils pouvaient faire monter le cours et faire échec aux vautours. Et ça a marché! Parce que les investisseurs en bourse sont souvent d’anciens geeks, des ados qui ont beaucoup joué aux jeux vidéo et qui ont voulu sauver GameStop, une marque sympathique.

D’abord à 17 dollars, l’action a atteint les 40 dollars en quelques jours. C'était déjà une catastrophe pour ceux qui avaient parié à la baisse, mais le cours de l’action a continué de grimper: 80, puis à 200, puis à 500 dollars au plus haut en janvier, soit une hausse de 1.800 %. 

Un internaute dit avoir gagné 22 millions de dollars

Les grands fonds ont perdu des dizaines de milliards de dollars. Le principal, Melvil capital, a capitulé mercredi dernier, en se retirant et en actant ses pertes. A l’inverse, plusieurs milliers de petits investisseurs ont fait une très bonne affaire et sont devenus millionnaires. Sur le fameux forum qui a tout déclenché, un internaute se vante d’avoir investi 50.000 dollars et d’avoir gagné 22 millions de dollars. 

Conscients de ce nouveau pouvoir, les petits porteurs ont tenté de sauver d’autres entreprises attaquées par les fonds spéculatifs, comme une chaîne de cinéma AMC, les marques Nokia et Blackberry. A chaque fois, les cours se sont envolés et les spéculateurs de Wall Street ont perdu des fortunes. 

Des commentateurs américains ont comparé le phénomène à l’attaque du Capitole le mois dernier: des foules désorganisées et en colère qui attaquent les lieux de pouvoir, le siège du parlement ou bien la bourse de Wall Street. Une révolte des petits contre les gros.

Une plateforme de courtage bloque l'achat d'actions GameStop

Mais depuis quelque jours le vent est en train de tourner. L’action GameStop est redescendue à 90 dollars en perdant 60% mardi. Jeudi dernier, une grosse plateforme de courtage en ligne, Robinhood, a bloqué la possibilité pour les particuliers d’acheter des actions GameStop. C’est ce qui a donné le signal du retournement, une affaire dans l’affaire qui a provoqué un scandale.

Mais il y aura un avant et un après. Plusieurs leaders du parti démocrate demandent des enquêtes et des réformes. Les requins sont sur la sellette.

Nicolas Poincaré