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GM&S: des maires en colère retirent le portrait de Macron car "s'il ne veut pas nous voir, nous non plus"

Le maire de Guéret

Le maire de Guéret - Capture d'écran France3

Gazés par des gendarmes mobiles alors qu'ils tentaient d'interpeller Emmanuel Macron sur le sort des GM&S et celui des territoires ruraux, des maires de Creuse en colère ont répliqué symboliquement. Dans leurs mairies, ils ont retourné le portrait officiel du chef de l'Etat. Certains, même, l'ont ôté. "Puisqu'il ne veut pas le voir, nous non plus", justifie à RMC.fr le maire PS du Monteil-au-Vicomte, Didier Martinez.

Didier Martinez est maire PS de Monteil-au-Vicomte, village de 250 habitants dans la Creuse.

"Après s'être fait gazer lors de la venue du président à Egletons, on s'est rassemblé à Guéret avec une centaine de maires. On ne pouvait pas rester les bras croisés. On a réfléchi à des actions dures: fermeture des mairies, rétention de documents administratifs… Tout ça doit encore être voté en assemblée générale, et il n'est pas impossible que ça se fasse.

Une quarantaine de maires avaient profité de la visite d'Emmanuel Macron pour manifester en faveur des GM&S. Nous souhaitions lui présenter deux choses. D'abord, que l'équipementier GM&S est en train de claboter tout doucement, avec 150 postes qui partent dans la sciure. Dans un département de 120.000 habitants, 150 pertes d'emploi sèches, c'est compliqué.

"Tous gazés"

Et aussi d'autres revendications... La baisse des dotations globales de fonctionnement, l'arrêt des emplois aidés, des subventions asséchées, la taxe d'habitation annulée... Et sans voir où, dans le budget, cela allait être compensé.

Notre délégation a voulu rencontrer le président. Il nous a dit non. Non. Lui, il venait pour son discours sur la formation professionnelle. Il voulait pas polluer ça avec notre venue.

Un groupe de gendarmes mobiles avait la consigne stricte de ne laisser passer personne. Ça a tourné au vinaigre. Tous gazés. Je dois avouer que c'est une première pour moi… Jamais je n'avais été traité de cette manière-là. Avec nos écharpes, et nos cheveux blancs. C'était une violence. Ça a été très très dur. On venait pas du tout pour mettre le bordel. Au contraire. C'était un cri d'alarme, plus qu'autre chose.

"L'esprit potache de cette action a été très bien accueilli"

Lors de la réunion à Guéret deux jours plus tard, j'ai émis l'idée des portraits retournés. Puisqu'il veut pas nous voir, nous non plus, on ne veut pas le voir dans nos mairies. L'esprit potache de cette action a été très bien accueilli. On fait un sondage avec l'Association des maires de Creuse, et on a été pas mal suivis. Chavanat, Guéret, La Souterraine… et plein de petits villages autour ont retourné le portrait. Quand on retourne quelqu'un on le met au piquet. Mais on le remettra à sa place plus tard…

"Qu'on soit de droite ou de gauche, on a tous les mêmes difficultés. On est dans un territoire rural, avec 120.000 habitants, avec des charges très importantes: des routes à entretenir, des écoles, des services publics qui se délitent... Il y avait une trésorerie à 10 kilomètres de chez nous qui a fermé. Un institut médico-éducatif est en train de mourir, et avec lui 35 emplois des communes autour, faisant souffrir beaucoup de gens qui ne savent pas comment s'en sortir." 

J'ai perdu 10.000 euros de dotation depuis 2011. J'avais un emploi aidé pour l'école, je ne l'ai plus. Je dois encore grever le budget de la commune pour embaucher et le remplacer. Je dois pallier l'Éducation nationale, les aides… On a l'impression d'un travail de sape sur les communes avec l'Etat qui les appauvrit de plus en plus. C'est un peu tout cela qu'on a voulu dire à Macron, cette spirale infernale…

"J'espère que Macron aura le cran de les voir"

Macron sort de temps en temps du périphérique parisien, mais je ne sais pas s'il se rend compte vraiment des problèmes qu'on a ici. La notion de 'transport en commun' est quelque chose qui n'existe pas. Si vous n'avez pas de voiture, vous n'allez nulle part. Il n'y a pas d'autoroute! Vous ne trouvez pas de boulot, ne serait-ce qu'à 30 kilomètres, même si on a peu de feux rouges et pas d'encombrements monstres.

On a des hivers vigoureux, des problèmes de neige, et le coût, 150 bornes tous les jours en voiture… la distance La Souterraine-Ussel, la fameuse fonderie qui proposait une dizaine d'emplois (18 précisément), et où Macron voulait envoyer les GM&S, ce n'est pas possible en aller-retour, donc il faut lâcher sa maison, le salaire du conjoint…

Le 17 octobre, une délégation de maires, de présidents de communautés de communes, le président de l'Association des maires de Creuse, Michel Vergnier, va être reçue à l'Elysée. Ils espèrent parler avec le président. Vu l'action symbolique et le raout autour de tout ça, j'espère qu'il aura le cran de venir les voir."

Propos recueillis par Paul Conge