Macron et le "bordel": "Quand on a travaillé à un endroit toute sa vie, personne ne s'en va"

Guy Pavan était l'un des leaders syndicaux des ouvriers de l'usine Molex - ERIC CABANIS / AFP
Aujourd'hui à la retraite, Guy Pavan fut le leader CGT des Molex. Pendant sept ans, 190 des 283 employés de cette usine de connectiques automobiles s'étaient mobilisés pour préserver l'emploi industriel sur leur territoire. Ils ont partiellement eu gain de cause.
"Personne après la fermeture en 2009 n'a eu d'opportunité d'emploi. 90% de ceux qui ont retrouvé du boulot en ont retrouvé par leurs propres moyens, par le bouche-à-oreille. Les cellules de reclassement mises en place à la fermeture ne font pas plus que Pôle emploi.
Moi, j'étais coincé. Personne n'embauche un militant syndical qu'on voit à la télé, ils n'aiment pas ça. J'ai pu être embauché pendant quatre ans à temps partiel au comité régional de la CGT avant de partir à la retraite.
"Personne ne s'en va"
Lorsqu'il y a des fermetures comme ça, quand on a travaillé là toute sa vie, personne ne s'en va. Ils ont des enfants. Ils restent sur place. Il n'y en a eu qu'un ou deux qui sont partis, avec qui on n'a plus contact. Un couple est reparti dans l'Est de la France, un autre à la Réunion.
A l'usine de Villemur-sur-Tarn, on avait déjà eu un plan social en 1993 avec 280 suppressions de postes. C'est à chaque fois pareil. Ils ont budgetté une aide au déménagement, pour une centaine de salariés, dans le seul but de faire des économies sur le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Parce qu'ils savent très bien qu'ils ne vont pas partir. On aide au déménagement à hauteur de 2.500 euros, donc on met 250.000 euros sur la table, plutôt que d'investir sur le PSE.
"17 sont sans emploi et n'en retrouveront jamais"
On a pu garder dans la région une usine, VM Industries (VMI) qui fabrique des connectiques automobiles, comme on le faisait à Molex. On a gardé les locaux et les machines qui étaient dedans. On les a remises en service. Aujourd'hui, VMI est concurrente de Molex dans le marché de la connectique. Sur les 70 salariés de VMI, 46 ou 47 sont des anciens de Molex.
Cette usine nous a beaucoup aidé à retrouver du travail. Notre taux de réussite de reclassement était à plus de 70%. Si elle n'avait pas existé, on serait à 30% comme dans les autres cas de plans sociaux.
Au dernier recensement, il y a encore 17 Molex qui sont sans emploi depuis la fermeture et qui n'en retrouveront jamais. Une trentaine ont retravaillé comme intérimaires. Une quarantaine est à la retraite.
"Si on veut relancer l'industrie française..."
Aujourd'hui, la reprise de GM&S, c'est le même sujet. Nous aussi on voulait garder notre boulot. On avait une entreprise qui tournait bien. On se ressemble beaucoup dans l'argumentation: on était les derniers connecticiens automobiles et fermer l'usine, c'était mettre fin aux connectiques auto en France. Alors que nous avons en France deux constructeurs majeurs de la construction auto que sont Renault et PSA.
On s'est fait piller le marché par Molex qui est un groupe américain. Ce que fabriquent les GM&S, ça va se refaire ailleurs. Si on veut relancer l'industrie française, sans parler de patriotisme parce que je n'aime pas ce mot, on peut avoir des coopérations franco-françaises avec des sous-traitants, ce qui me semble assez logique pour garder l'emploi chez nous, tout comme le savoir-faire.
"A travers les luttes, on a mis en échec leurs stratégies"
La lutte des GM&S fait penser aux Conti, aux Caterpillar, aux Whirlpool… des boîtes rentables qui ont fermé après des plans sociaux violents. Mais les GM&S se débattent plus difficilement que nous, parce que les luttes sociales de cette époque ont lieu après les lois anti-sociales, les lois Macron, El Khomri… Qui sont quelque part les conséquences des nos luttes. Ils ont bien vu qu'à travers les luttes, on arrivait à mettre en échec les stratégies des entreprises.
Toutes ces lois qui facilitent les licenciement, plafonnent les indemnités, c'est bien pour préserver le patronat, pas pour protéger les salariés. Maintenant, les PSE ont lieu au bout de 4 mois pour les entreprises de 300 salariés. Nous avons lutté pendant 7 ans. Les Goodyears, 4 ou 5 ans. Mais on trouvera d'autres formes de résistance.
Avec GM&S, on a un exemple de conflit social avec de nouvelles règles. C'est important pour la suite. Pour toutes les luttes à venir. Parce que les ordonnances, il y en aura d'autres."