"C'est irresponsable": Jérôme Guedj s'en prend à François Bayrou après ses propos sur la retraite à 62 ans

Fin février, le Premier ministre François Bayrou lançait les grandes discussions avec les partenaires sociaux pour revenir sur la réforme des retraites. Mais ce dimanche, interrogé sur France Inter sur la possibilité d'un retour de l'âge de départ à la retraite à 62 ans, contre 64 ans dans la loi actuelle, le Premier ministre a répondu "non". Une position ferme qui braque la gauche.
Jérôme Guedj, député socialiste de l’Essonne, faisait partie de ceux qui ont laissé en vie le gouvernement Bayrou en ne votant pas la censure, en l’échange d’une ouverture sociale. L'objectif était de pouvoir négocier et discuter cette réforme. Mais aujourd'hui, il ne comprend pas la position du Premier ministre. Invité d'Apolline de Malherbe, sur RMC ce lundi matin, il réagit.
"La sortie de François Bayrou est irresponsable, incompréhensible, et pas du tout professionnelle", lance-t-il.
Pour le député du PS, "il y a d'abord l'aspiration des Français. C’est un objet de contestation très fort, et c’est la raison pour laquelle nous demandions de rouvrir le dossier de la réforme". Un dossier que François Bayrou avait accepté de rouvrir "sans totem, ni tabou, même sur l’âge légal". De quoi rassurer les députés de la gauche à l'Assemblée qui ont décidé de lui faire confiance. "On se dit alors qu’on confie la négociation aux partenaires sociaux", poursuit-il.
"Cacophonie du gouvernement"
Catherine Vautrin, la ministre chargée du travail, avait assuré le 23 février que le gouvernement n'interférera pas sur la négociation. Mais ce dimanche, François Bayrou "dégaine un 'non', qui est un mépris pour les partenaires sociaux".
"Il leur dit qu’à cet instant sa préférence à lui, c’est qu’on n'aille pas jusqu’à 62 ans", explique le député.
Dans la foulée, dimanche soir, Eric Lombard s'est exprimé sur BFMTV: "La position du gouvernement, elle est exprimée par le Premier ministre, et la position, je le redis, c’est que c’est aux partenaires sociaux de décider. Ils doivent continuer sur la feuille de route qui a été fixée officiellement et qui est la seule qui doit les guider".
"On se retrouve avec son ministre de l'Économie qui le contredit", s'indigne Jérôme Guedj.
Cette semaine donc, "on voit la cacophonie dans le gouvernement. Ça s'appelle un gros couac, il faut faire confiance aux partenaires sociaux, ils abordent un par un tous les sujets. Il faut leur permettre de le faire sans mettre une épée de Damoclès", poursuit-il.
"La cohésion nationale passe par la cohésion sociale"
De plus, pour Jérôme Guedj: "La première ligne de défense d'un pays, c'est la cohésion de son peuple. Et là, il y a une contradiction". Comme il le justifie, les Français "sont majoritairement pour" revenir sur cette réforme des retraites.
"Je préfère imaginer que c'est François Bayrou qui n'a pas pris la mesure de ce dans quoi il s'est engagé, j'ai confiance en les partenaires sociaux".
Une confiance qui peut être fragilisée, alors que Force Ouvrière a déjà claqué la porte des négociations dès la première réunion des partenaires sociaux sur l’évolution des retraites, ce 27 février. "Nous ne participerons pas cette mascarade où on veut nous faire dire qu’effectivement la seule solution c’est d’allonger la durée de travail pour les salariés dans ce pays", avait déclaré à la presse, Michel Beaugas, secrétaire confédéral au secteur de l’emploi et des retraites.
La CGT pourrait-elle être la prochaine, après les propos du Premier ministre? "Les partenaires sociaux sont bien plus responsables", répond le député.
"J'ai confiance en eux pour ne pas avoir une réaction épidermique. Et se dire qu’ils défendent l’intérêt des salariés et de l’ensemble des Français", ajoute-t-il.
Dans tous les cas, à l'issue de toutes ces négociations, le dernier mot doit être donné au Parlement: "Et ça, c’est l’épée de Damoclès sur François Bayrou". Il ajoute: "Il faut faciliter cette négociation pour qu'il y ait un texte qui arrive et qu’on trouve un point d’équilibre. J’ai accepté de faire un deal et c’est pas réglo si l’un des partenaires du deal donne l’impression de s’en exonérer."
Faire un choix avec l'effort de défense
Pour François Bayrou, l'une des raisons justifiant ce refus catégorique de l'âge de départ à la retraite à 62 ans est qu'il ne croit pas que "la question paramétrique, c’est-à-dire la question de dire “voilà l’âge pour tout le monde”, soit la seule piste".
Mais ce qui pèse aussi, c'est l’accession de Donald Trump au pouvoir aux Etats-Unis, remettant en question le débat autour de l’"effort de défense" qu’il faudrait produire pour assurer la sécurité européenne et nationale. Il serait alors compliqué de continuer cet effort de guerre tout en ayant des avantages sociaux importants. Mais pour Jérôme Guedj, "on est sur un mouvement au temps long". Cet effort de défense n'aura pas de conséquences économiques immédiates.
"Le général De Gaulle disait en 1942: ‘la sécurité nationale et la sécurité sociale sont pour nous des buts’. Il ne faut surtout pas opposer l’un à l’autre parce que notre modèle social, c’est la garantie de cette cohésion. L'effort de défense n'est pas la même temporalité que la question du modèle social".
Il soulève une autre question: "A ce moment-là, pourquoi ne pas mettre à contribution les plus hauts revenus, les plus hauts patrimoines, ceux qui ont profité de la crise sanitaire, énergétique et inflationniste?"
Avant de conclure: "Ils ont balayé d'un revers de la main une autre solution : le patriotisme fiscal, la justice fiscale. La cohésion nationale passe par la cohésion sociale".